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LA MALADIE DU CORAIL
LA MALADIE DU CORAIL
Cette année avait été calme, à peine martelée par les exploits peu glorieux de l'équipe de France de foot-ball en coupe du Monde et par la disparition d'une star bien connue et pratiquante non délinquante du monde des média. Elle était morte bêtement de noyade en tombant de son yacht en mer des Caraïbes et le monde contrit des prêtres en communication se pinçait volontiers le nez à cette idée de voir la presse people s'enrichir de l'invention de quelque noyade.
En septembre le nouvel hebdomadaire « Vous en direct » qui semblait avoir poussé sur le compost laissé par la mort de l'Express publia les résultats d'une enquête scientifique aux termes de laquelle l'origine de 70% des cancers pouvait désormais s'expliquer par des causes génétiques. Pour les trente pour cent restants une grande partie pouvait être supposée procéder des mêmes raisons mais la preuve scientifique n'en était pas encore établie.
Interrogé sur les conséquences qu'il convenait d'en tirer, le directeur du tout nouvel Observatoire national des pathologies et de la lutte contre la mort déclara dans une interview à chaud accordée au même journal qu'une telle découverte était pressentie depuis quelques années et qu'elle justifiait à posteriori la création de l'observatoire et la conduite d'une politique appropriée de santé publique et il ajoutait :
« Cette découverte ouvre un champ nouveau à l'approche de la santé dans notre pays et plus généralement dans les économies les plus développées où le prix de la vie doit être rapproché de ce qu'elle produit et de ce qu'elle coûte mais aussi où une connaissance croissante des raisons de la morbidité doit déboucher sur une responsabilisation croissante de chacun. Loin de nous conduire à l'idée selon laquelle le facteur génétique mêne à l'irresponsabilité et à la fatalité , cette nouvelle vision doit nous amener au contraire à introduire le principe d'une plus grande responsabilité personnelle de l'individu vis à vis de lui même et du groupe social.
Pour être plus clair, nul n'ignore ou n peut ignorer que si une cause génétique conduit à une plus grande prédisposition au cancer du sein, aucun comportement particulier ne le favorise. En revanche , on sait que le développement d'un cancer du poumon est , sur un terrain génétiquement favorable accéléré par la consommation de tabac.
Notre monde fonctionne à l'envers : on a jusqu'à présent pénalisé l'offre c'est à dire les producteurs en élevant les taxes voire en permettant des poursuites judiciaires. Comme les Suédois l'ont fait il y a quelques années en matière de prostitution il convient de pénaliser la demande c'est à dire de considérer le fumeur comme un délinquant social potentiel, comme quelqu'un qui porte atteinte à lui même et donc à l'ordre social.
Il faut donc sans craindre les critiques que ne manqueront pas de formuler les apôtres des paradis artificiels et de la fausse liberté recourir à un certain nombre de mesures pratiques : Non seulement les mesures classiques doivent êtres activées mais il convient d'innover Le fumeur devrait déclarer annuellement son état de fumeur. Cette déclaration le placerait sous un double statut , à la fois de débiteur social (sous forme d'augmentation de ses cotisations) mais aussi en contrepartie d'assisté , par la mise à disposition d'instruments lui permettant d'accéder à la guérison soit au travers des traitements chimiques appropriés soit au travers d'une prise en charge psycho-thérapeutique. »
L'accueil médiatique fut plutôt favorable . Adeline Dupoix Bougniol salua ce courage d'un scientifique émérite qui évitant la langue de bois disait enfin à chacun le chemin du civisme. L'Association pour la reconnaissance du KRAK se dit enfin comblée , à défaut de voir reconnaître le caractère de fertilisant de la sociabilité de certaines drogues douces , à tout le moins d'assister au procès qui était enfin fait aux drogues officielles. Daniel Cohn Bendit, du fond de sa retraite, tout en soulignant que son fond anarchiste le rendait réticent à ce type de procédé concédait que sur le fond il enlevait une sorte de « légalité d'exclusion » au tabac , qu'il conviendrait d'étendre ce principe au pinard, mais qu'au fond, si cela permettait de faire prendre conscience de la nécessité d'une citoyenneté de responsabilité , c'était un prix qu'il ne trouvait pas scandaleux de payer dans un monde ou s'éclater ne veut pas dire s'encrotter.
Benamal Kirkstein -Allsteen, président de l'association française des intervenants qualifiés en psychologie et Benoite Algoen Montsinger, responsable de la nouvelle école psychiatrique européenne co-signèrent un article en soulignant qu'ils étaient prêts , au côté de leurs adhérents à apporter leur contribution à cette nouvelle cause.
Dans la semaine qui suivit, le ministre de la Santé fit savoir que le gouvernement avait , pour sa part, pris la mesure d'une réalité qu'il savait déjà insupportable et que les premiers textes de loi, d'ailleurs approuvés par une large fraction de l'opinion ,seraient présentés dans les trois mois à l'assemblée nationale.
C'est alors qu'éclata une bien étrange affaire : à une semaine d'intervalle,Aymeline Dupoix Freistein sœur de la ministre Adeline Dupoix Bourgniol et Salamane Prabagne Vanackère surtout connue dans le milieu des vernissages furent, l'une et l'autre atteinte d'une étrange maladie. Plus exactement, le mal qui les frappait courrait depuis plusieurs semaines mais elles avaient , par acte de courage et par devoir de transparence, comme l'affirmait Aymeline dans l'interview qu'elles donnèrent au Nouvel Observateur, décidé de dire ce mal qui les rongeait.
Celui ci avait commencé par une sorte de rougeur de la peau , une sorte d'impétigo ou de prurit. Rien de bien inquiétant sauf qu'après deux jours celle ci prenait une étrange forme écaillée dans le même temps où la surface atteinte s'étendait au point d'atteindre bientôt un quart du corps. Assez curieusement, aucune démangeaison n'accompagnait ce symptôme mais en revanche les parties atteintes exhalaient comme une étrange odeur d'algue et de saumure. Deux semaines plus tard, l'ensemble du corps avait été atteint. Les écailles étaient de plus en plus apparentes donnant l'impression que le corps prenait la forme d'un rouget puis que la peau ressemblait de plus en plus à celle d'une écrevisse.
Dans les deux semaines qui suivirent , huit nouveau cas apparurent frappant huit femmes dont Eglantine Eberstein -Delmas , Directrice du Théatre du Monde Paritaire et ancienne directrice de Cabinet de Paul Kurz.
Au fur et à mesure que passaient les semaines , il semblait que le temps aidait à la levée de la pudeur et de la crainte. Plus nombreuses étaient les victimes qui, enfin osaient rompre le silence, expliquer que leur absence de quelques semaines n'était pas liée, comme elles l'avaient d'abord dit à quelque obligation professionnelle mais à leur souci de cacher le mal qui les frappait. Dix semaines plus tard , le nombre des victimes officielles atteignait 76 et.... toutes des femmes.
C'est alors que Paris Match publia des photos de Salamane Prabagne Vanackère dans sa résidence du Lubéron. Le numéro fut tiré à 3 millions d'exemplaires. On pouvait y découvrir 9 portraits de Salamane, dix mois après le début de sa maladie. Le spectacle était à la mesure de l'importance du tirage. Dans l'un des clichés, elle présentait le faciès d'un dindon mâle. De larges boursouflures écarlates bourgeonnaient à la hauteur de ce qui avait dû être un visage. Elles pendouillaient ainsi comme l'auraient fait des chapelets informes ou encore une salade de poivron enveloppée de quelque crépine . On murmura bien que Salamane Prabagne Vanackère avait reçu deux millions de francs pour le prix de sa décrépitude. Mais la réprobation de France Inter du Monde, de Libération et de la Croix mirent fin à cette ignoble campagne. L'opinion sombra dans la compassion devant cette lèpre du troisième millénaire.
Faute d'avoir des certitudes bien établies sur l'origine du mal on trouva bon de rassurer l'opinion en faisant intervenir le Professeur Cageot. Sans doute celui ci avait il du être interné, car saisi d'un accès de fureur purificatrice , il avait par deux fois attaqué le rayon alcool du supermarché voisin de son domicile , massacrant les bouteilles au coupe - coupe. Ceci aurait été accepté eu égard à la noblesse de la cause et de l'intention s'il n'avait la seconde fois entamé le crâne d'un consommateur résistant à tant d'injonctions salutaires. C'est avec regret que la justice avait dû le placer sous assistance psychologique , régime réservé aux victimes reconnues de l'agression sociale latente, nouveau concept reconnu par la communauté scientifique .
Le Professeur Cageot, interrogé par la presse télévisée et écrite fut une nouvelle fois pris d'incontinence analytique. Il déclara que ceci ne pouvait être dû qu'à ce qu'il appelait l'alcoolisme passif. Les victimes l'étaient d'abord de cette propension inacceptable de la société à accepter que des personnes absorbent des boissons alcoolisées à proximité d'autres qui , bien que suivant un régime sain , se trouvaient contraintes d'en absorber les effluves. D'ailleurs, affirmait le professeur ,la chose avait été établie pour le tabac. On avait par ailleurs reconnu le caractère nocif des composés organiques volatils à savoir les émanations d'essence, de solvants et autres substances utilisées dans les industries chimiques. Il convenait de faire un pas supplémentaire et d'interdire désormais la consommation d'alcool en public.
Sans attendre la réaction de l'opinion ou en tout cas l'annonce probable qu'elle approuvait largement cette manière de voir, de nombreux intervenants , par prudence, apportèrent un bémol aux propos du terrible professeur. D'une manière générale , on considérait que bien que la mesure fût une fois de plus inspirée par un louable souci de santé publique, elle reposait sur des hypothèses qu'il convenait de vérifier. Adeline Dupoix Bourgnol déclara que des crédits seraient débloqués afin d'apporter à cette question une réponse scientifique rapide. En fait, c'est Aymeline Dupoix Freisstein qui du fond de sa douleur déclara dans une interview à Télérama qu'il n'était pas juste de faire porter à une seule catégorie de la population le poids de la responsabilité du fléau . rien n'était établi et il fallait prendre garde à des réactions d'indifférence de l'opinion. En fait, ajoutait elle :
« Ce drame est celui du hasard qui frappe aveuglément une partie de l'humanité en l'occurrence celle que tous s'attachent à désigner comme constituant son avenir. A ce titre , parce qu'il n'a pas de cause désignée, parce qu'il symbolise le combat de l'être humain pour sa survie comme en un ultime écho venant du fond des siècles , ce mal doit faire l'objet de la plus grande solidarité sociale. Ce ne sont pas seulement des moyens financiers qui doivent être mis en œuvre car chacun retiendra que c'est là un principe élémentaire de toute société qui se veut humaine . Non c'est une mobilisation politique sociale et morale qui s'impose pour vaincre dans les plus brefs délais ce fléau et rendre aux victimes ce rôle de sentinelle sacrifiée qui a été le leur. »
Le Président de la République dit le lendemain même son émotion devant la noblesse et le courage de cette déclaration et se déclara déterminé à mettre en oeuvre les mesures qui seraient nécessaires, et à assurer ses concitoyens que l'Elysée suivait, heure par heure la progression du mal. Bien sûr on replaça le Professeur Cageot dans sa retraite surveillée tout en veillant à mettre hors de sa portée tout objet qui pourrait lui permettre de poursuivre ses croisades.
Quinze jours plus tard ,alors que la pression commençait à retomber , on apprit que Judeline Lacombe -Treiber qui avait été l'une des premières atteinte par la maladie venait d'y succomber. La nouvelle fit l'effet d'une bombe . Le Monde titra sur « Ce mal auquel on ne croyait pas » . Télérama et le Nouvel Observateur relevaient, l'un l'autre, qu'un Attila rouge était à nos portes et que l'on ne voyait malheureusement pas se profiler de nouveau Champs Catalauniques. Même Marianne crut bon d'ironiser sur l'incapacité de ce qui restait de la République à augurer du danger soupçonnant au passage le développement du fast food à l'américaine d'être à l'origine du mal en liaison avec les multinationales de l'alimentaire.
L'histoire allait assez curieusement donner un zeste , mais juste un zeste de raison et de bien-fondé au Professeur Cageot et à Marianne. Ils ne se prièrent d'ailleurs pas surtout pour la première de le revendiquer mais voyons la suite.
Le décès de Judeline Lacombe -Treiber fit soudain prendre conscience que l'on n'avait pas encore donné de nom au mal comme si, refusant de le nommer, on s'employait à le conjurer et à le nier. Dans une interview, le professeur Wendling, de l'Hôpital Gustave Roussy proposa, qu'au regard des symptomes , la maladie fut appelée Syndrome à dégénérescence coralienne. Il se trouva bien quelques esprits bien intentionnés pour estimer que cette formulation n'était guère correcte au regard du respect dû au malade, que d'ailleurs la maladie du Corail était déjà identifiée comme affectant les rameaux de certains arbres comme les abricotiers. On proposa même de l'appeler maladie de Treiber, en mémoire de sa première victime. Assez curieusement toutefois , le monde médiatique, faisant passer une sainte frousse devant les principes sacrés du politiquement correct renonça aux polémiques et le terrible mal devint même le syndrome de dégénérescence coralienne et écailleuse ou SDECE mais le grand public le connut finalement sous le terme de lèpre corail puis plus simplement de maladie du corail.
Deux mois plus tard, alors que les premières lumières de septembre ayant mis fin aux congés d'été , chacun rejoignait les grisailles de la rentrée, TF 1 annonçait en exclusivité une nouvelle qualifiée à la fois de terrible et de sensationnelle. Le défi était désormais claironné à la face de l'humanité au travers de l'universalité révélée de la maladie : Paul Kurz en était atteint ! ! ! !
C'était donc la première moitié du ciel qui payait à son tour le tribut. Au-delà du malheur qui frappait désormais une des figures de proue de la classe politique, c'était aussi et paradoxalement comme une sorte de délivrance : le fléau touchait désormais l'ensemble de l'humanité et les appels à la solidarité de tous n'en devenaient que plus justifiés.
Les semaines qui suivirent virent se répandre une sorte de psychose. Les médecins et les hopitaux étaient harcelés d'appels téléphoniques en provenance des gens les plus variés . Dans la quasi-totalité des cas, le corps médical sut calmer les craintes. Cependant plusieurs centaines de personnes se virent confirmer le diagnostic tant redouté pour découvrir quelques semaines plus tard qu'il ne s'agissait que de quelques boutons d'acné ou d'urticaire ou bien d' une poussée d'eczéma .
Pour autant , le mal progressait insidieusement : on atteignait désormais près de 500 cas dont plus d'une cinquantaine d'hommes . Tout se passait d'ailleurs comme si la contagion après avoir d'abord frappé les femmes connaissait ses taux de croissance les plus rapides chez les représentants de l'autre sexe.
Assez rapidement, les spécialistes s'étaient interrogés sur l'étendue du mal faute de pouvoir en identifier la cause . Deux mois après de début, Le Nouvel Observateur pronostiquait que
5 000 personnes étaient ou allaient être atteinte mais deux mois plus tard , il confessait avoir sous-estimé le mal et évoquait plutôt le chiffre de 20 000. Celui ci monta même à 50 000 quand on apprit que le maire de Toulouse, Crissanto-Perlaz en était atteint puis Télérama n'hésita pas à proclamer que le cap des 100 000 était désormais le chiffre incontournable et, ajoutait un journaliste zélé qui ne devrait pas être contourné au regard de la gravité du mal..
Le ministre de la santé intervint alors pour annoncer qu'un programme exceptionnel allait être mis en œuvre . Comme tout programme digne de ce nom , il était composé de trois volets : un volet « recherche » avec 3 milliards d'Euros à la clé : le but était de démasquer très rapidement le mal et de mettre en œuvre les outils thérapeutiques appropriés. Le second volet portait sur la prise en charge des personnes atteintes. Le ministre souligna en particulier les manifestations du mal qui rendaient particulièrement pénible la vie des victimes confrontées ainsi au regard de l'autre. A cet égard , chaque victime déclarée pourrait ainsi se voir attribuée l'assistance gratuite d'un psychologue pour l'aider à supporter l'adversité. Ce second volet était pour l'instant évalué lui aussi à 3 milliards mais pourrait faire l'objet d'une rallonge si le besoin s'en faisait sentir. Enfin, la dernière partie du plan, à défaut , soulignait le ministre de parler de thérapie , portait sur la communication et la sensibilisation des citoyens. D'ores et déjà une campagne serait lancée en direction des chaînes de TV, des stations de radio et de la presse écrite sur le thème de la solidarité avec des slogans sur le thème « cela n'arrive pas qu'aux autres »
L'éducation nationale fut mobilisée. Ainsi sensibilisa -t-on les enfants des écoles primaires sur le thème « demain , voudrais-tu perdre ta maitresse (ou ton maître)»
La veille du dimanche de Pâques fut choisie pour organiser une manifestation contre le fléau. Plus de 30 000 personnes à Paris, 5000 à Strasbourg 6 000 à Toulouse 4 000 à Nantes et Lille, 3000 à Montpellier et Lyon défilèrent avec des torches pour symboliser à la fois selon l'expression d'Adeline Dupoix Bourgniol « le souhait de brûler le mal en même temps que de rappeler que les feux du printemps faisaient vivre l'espoir » Un petit carré de victimes , voilées pour rappeler, toujours selon l'expression d'Adeline Duoix Bourgniol , que leur situation de malades était le prolongement du drame des femmes afghanes et iraniennes, défila dans un silence seulement troublé par le tintement de quelques instruments africains et créoles (car disait toujours la même notre combat contre la mort ne sera victorieux qu'en rejoignant celui des esclaves contre l'horreur ). Le lendemain l'éditorialiste en charge de l'éditorial du Monde déplora que ce Lundi de Pâques ait été choisi comme date fondatrice de la protestation contre le mal car disait- il , mouvant dans le calendrier et non symboliquement repérable. Régis Debray, qui avait rejoint l'Académie Français avait bien proposé dans Libération de laïciser Pâques et de lui donner une date fixe quitte à passer sur le corps du Pape lequel ne parlait qu'au nom d'une minorité. Rien n'y fit : Paul Kurz dans un article qu'il qualifia lui même de discret proposa que cette manifestation fut maintenue le Lundi de Pâques en souvenir de la couleur du sang du Christ.
Les semaines passaient et Libération fut le premier à dire l'espoir : Judeline Lacombe -Treiber restait pour l'heure la seule victime. L'état des malades connus restait stationnaire et même Paul Kurz , du fond de sa retraite annonçait son intention de continuer sa lutte pour ce qui était en même temps sa vie et sa mission . Sans doute, Paris Match avait il publié quelques photos particulièrement répugnantes d'Aymar Adour-Zoblé, affublé de longues protubérances pendant de son visage ! sans doute Libération et le Nouvel Observateur publiaient il un numéro spécial pour annoncer que le cap des
100 000 victimes serait bientôt atteint !
Le 28 avril 2006 , Les Dernières Nouvelles d'Alsace publiaient une importante information : selon des sources dites autorisées, l'épidémie de syndrome coralien devait être minimisée tant dans son étendue que dans sa gravité. En premier lieu, les personnes atteintes n'étaient pas promises au cruel destin qui avait été celui de l'unique victime. Elles semblaient au contraire, bien que physiquement défigurées, s'accommoder de la maladie. Qui plus est , on notait des signes de rémission : ainsi Ophilane Bradier-Cossu, qui était donnée pour mourante quelques mois plus tôt semblait guérie après quelques semaines passées à la montagne . Il y avait donc un mystère coralien sur lequel on s'interrogea : ne trouvait-on pas là le résultat non souhaité des manipulations génétiques pratiquées par les laboratoires américains ? ce fut en tout cas l'hypothèse formulée par Marianne dans un numéro spécial.
Adeline Dupoix-Bourgnol déclara que cette importante question méritait la création d'un observatoire dont l'objectif serait de cerner , en termes épidémiologiques , l'étendue du mal. La charge en fut confiée au professeur Dupet- Derat , ancien conseiller technique de la ministre .
Deux mois plus tard, il remettait ses premières analyses : Si rien ne permettait en l'état de produire des conclusions définitives quant à l'étendue du mal, ni quand , bien malheureusement à ses causes, le principe de précaution impliquait que l'on fût particulièrement vigilant sur les mesures à prendre pour éviter qu'il ne s'étende .Aussi proposait-il qu'il fût procédé à une évaluation des populations à risque.
Dès le lendemain, Libération publiait une lettre de Paul Kurz dénonçant de manière véhémente ce qui lui semblait être les prémices de la désignation de boucs émissaires. Selon l'ancien ministre, la maladie avait été désignée comme étant la maladie de tous ; elle était d'une certaine manière « un fardeau commun de l'humanité » A ce titre chacun était victime potentielle et « supposer au travers d'une détermination de populations plus particulièrement exposées que le fléau ait choisi ses victimes revenait à nier le principe d'inter-responsabilité qui devait fonder toute attitude politiquement responsable. «
Le principe d'inter-responsabilité fit mouche : Adeline DUPOIX BOURGNIOL salua la réponse de l'ancien ministre .
Il fut ainsi acquis que le syndrome maudit était désormais maladie commune de l'humanité, au même titre que le patrimoine du même nom. Sa dimension internationale devait être désormais reconnue au travers de la fondation d'une organisation internationale dont le professeur Testard fut nommé président. Elle serait désormais admise et reconnue au sein de l'organisation mondiale de la santé.
Quelques mois plus tard, le Canard Enchainé allait révéler une bien étrange nouvelle : Les victimes désignées du fléau -en fait quelques centaines-semblaient les unes après les autres connaître une rémission certaine y compris Paul Kurz qui avait fait une apparition médiatisée au festival de Cannes. Surtout au vu des premières conclusions, pourtant publiées neuf mois plus tôt mais étrangement occultées par la presse on semblait avoir quelques explications sur la nature du mal.
Un fournisseur de l'ASORMAP (association pour l'organisation des manifestations publiques) sigle qui désignait une vague protubérance administrative chargée d'organiser les cocktails , festivités et divers pince-fesses de la République ,sans être astreinte aux règles de la comptabilité publique, avait été l'objet d'un contrôle sanitaire inopiné. Il avait alors avoué que , pour rendre compatibles les exigences de ses clients avec leurs propositions tarifaires, il avait dû recourir aux services d'un fournisseur cubain. Celui ci , pour améliorer l'aspect visuel de ses langoustes leur faisait absorber un produit qui avait été mis au point par les laboratoires castristes avec l'aide des camarades soviétiques dans un premier temps puis de manière autonome ensuite. Le »cervenorak » créé au départ pour atteindre le capitalisme international avait été récupéré , tout bêtement pour ramener des devises. D'ailleurs , Paul KURZ avait, dans le cadre de ses fonctions , inauguré à La Havane, une exposition appelée « Le génie du Monde opprimé » dans lequel le produit avait d'ailleurs été présenté comme l'une des manifestations évidentes du génie cubain.
Le Cervenorak , absorbé durant deux mois environ par les langoustes leur donnait une incomparable couleur corail. La chair elle-même se teintait de marbrures variant du jaune soleil au pourpre en passant par l'orangé et le vermillon. Chez certains sujets, vendus au plus haut prix, on pouvait même déceler quelques veines bleu nuit.
Mais l'influence du produit ne s'arrêtait pas, malheureusement là . Absorbé de manière excessive et répétée ( les chercheurs estimaient la dose entre une livre et un kilogramme par semaine,) il entraînait de graves réactions cutanées, conduisant à une dégénérescence des tissus. Le mal, d'abord cantonné à la peau gagnait progressivement les muqueuses internes telles que celles de l'estomac, des intestins et des poumons. Il en résultait soit des occlusions , soit carrément un asphyxie. C'était d'ailleurs le mal qui avait emporté Judeline Lacombe-Treiber.
La solution au mal était dès lors assez simple. Elle passait par une abstinence autant alimentaire que sociale ou à tout le moins par une modification drastique des mets proposés dans les cocktails de la République. On abandonna donc la langouste pour revenir au caviar. Aymeline Dupoix -Freistein et Paul Kurz l'avaient d'ailleurs pressenti en fuyant un certain temps ces mondanités pour revenir, heureux de constater que la République n'avait pu se passer de leur indispensable présence.
Marianne eut beau s'indigner de ce que l'on ait pu faire tant de foin pour cette gauche bien punie d'avoir été infidèle au caviar.
Le mot de la fin revint cependant à Adeline Dupoix Bourgniol :
Ce qui s'est passé révèle, en même temps que la capacité de nos sociétés à vaincre encore plus rapidement de nouveaux défis , la nécessité de mettre en avant le principe de précaution qui est au cœur de la culture européenne. Si la conclusion de cette affaire apparaît aujourd'hui heureuse au regard de ce que l'on pouvait craindre, il nous revient de saluer la mémoire de mon amie Judith Lacombe Treiber. Sans le drame dont elle a été victime , aucune mobilisation n'aurait été possible. Il est sans doute certains esprits , animés d'intentions que je ne qualifierai pas et acquis à des thèses que je récuse qui ne manqueront pas d'ironiser sur ce qu'ils appelleront l'origine du mal, à savoir les langoustes. Je rappellerai que parmi nos compatriotes qui se sont rendus à Cuba figurent des gens du peuple , qui se sont donc exposés , sans le savoir. Au travers de ce qu'il constitue d'appeler le sacrifice de Judith, c'est aujourd'hui l'ensemble des citoyens soucieux d'aider le monde des miséreux à se sortir de la pauvreté qui doit se mobiliser. C'est pour cela que le conseil des ministres a commencé aujourd'hui par une minute de silence.
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