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LA PARITE COMME ECHAPATOIRE A L'ASCENSEUR SOCIAL
DE LA PARITE COMME METHODE DE BLOCAGE
DE L'ASCENSEUR SOCIAL
On commencera par un petit plongeon intergénérationnel dans le bocage profond. C'est bien du bocage dont il s'agit et pas de la Bretagne bretonnante qui avait su très tôt mettre à profit l'école comme moteur de l'ascenseur social. Ici, quand Plozevet produisait des agrégés en pagaille, on continuait à se méfier de l'école qui avait arraché les enfants aux travaux des champs, qui n'entretenait que des fainéants et ne produisait que des fonctionnaires. D'ailleurs, à qui bon savoir lire et écrire pour remplir la brouette de fumier ou traire les vaches ? Dans les années 50 , le bocage avec un habitant sur deux travaillant dans les champs résiste encore au mythe de la réussite scolaire. Le destin du fils est de reprendre la ferme paternelle, celui de la fille de se trouver un bon gars bien costaud et ne buvant pas trop. Quant à ceux pour lesquels le destin a été moins favorable , ils devront se contenter d'un boulot de « commis de ferme » d'ouvrier agricole , de bête de somme au fond pour que le patron puisse avoir ses moments de liberté .
La génération de mes parents et de mes oncles et tantes compte au total 5 couples : ils sont tous agriculteurs , vivant sur des exploitations allant de 17 à 56 hectares et une minorité de propriétaires : arracher le statut de fermier est une promotion qui met fin au métayage ,système dans lequel le propriétaire doit envoyer un espion parasite ; l'expert, pour vérifier que le métayer ne gruge pas trop. Entre 1950 et 1960 , ces dix personnes feront 12 enfants : ce n'est vraiment pas le baby boom bocager : dans d'autres milieux plus cathos on en fait plus !
Sur les douze enfants qui atteignent tous l'âge adulte, sept auront le baccalauréat , ce qui constitue une proportion fort honorable. Ma propre famille composée de trois enfants sera la première de la commune où les trois enfants auront le baccalauréat. La proportion de diplômés de l'enseignement supérieur demeure faible : deux seulement .
Cette génération aura elle même, entre 1974 et la fin des années quatre-vingt-dix , 25 enfants soit tout juste le taux de renouvellement des générations. Certains d'entre eux n'ayant pas terminé leurs études secondaires il est impossible de faire des statistiques définitives. Mais sur les 21 qui ont déjà atteint l'âge adulte , tous ont eu au moins le baccalauréat et plus de la moitié de ceux la ont un diplôme d'enseignement supérieur .
Si tout le monde avait un diplôme de polytechnicien , il y aurait des polytechniciens derrière les caisses de super-marchés : c'est le marché du travail et la division du travail qui déterminent le positionnement professionnel et social des individus.
En revanche, il n'est pas besoin d'être grand clerc pour comprendre que le nombre de postes d'encadrement ou équivalents , dans notre société , reste limité (sans doute un peu plus d'un tiers des actifs selon le périmètre que l'on choisit). A la différence de ce qui se passe dans les années 60 , où ces postes sont moins nombreux mais où les diplômés le sont encore moins ( 10 -15% de bacheliers sur une génération en 1970) la concurrence est plus forte : à l'époque, l'enseignement supérieur peut produire sans trop éreinter les étudiants les diplômes nécessaires. Pour les enfants des classes aisées et fortunées à qui la vie n'a donné ni la bosse des maths ni de l'intelligence à revendre , le père médecin ou vétérinaire pourra toujours offrir une étude de notaire à son fils à papa un peu niais.
Aujourd'hui, le fonctionnement de l'ascenseur social suppose en fait qu'il y ait un « descenseur social », car , en clair, comme au Banquet de Malthus, il ne peut y avoir de place pour tous. C'est le fonctionnement de ce système qu'il est intéressant d'examiner.
La première chose est d'analyser les modalités selon lesquelles les diplômés peuvent se positionner dans l'échelle professionnelle et sociale. Car le diplôme n'est jamais qu'un moyen qui n'implique pas une embauche automatique sauf exception
On mettra à part les cas, somme toute de plus en plus rares où l'individu est né dans un nid douillet et peut dérouler sa vie grâce au capital accumulé par les parents. Françoise Meyers peut toujours se chicaner avec sa Betancourt de mère : elle ne fera jamais les restos du cœur. Mais à bien y regarder , ce type de situation est sans doute plus rare qu'autrefois : les grandes propriétés terriennes , à l'abri des fluctuations boursières n'existent plus ; les autres modes de détention de la fortune sont plus instables. Le propriétaire d'une affaire est le plus souvent attentif à la capacité de ses enfants à gérer l'affaire une fois qu'il aura disparu car , avec les progrès technologiques mais aussi les mutations incessantes de l'économie , les fortunes peuvent être fragiles. Sans doute en reste-t-il encore mais on n'est plus sous l'ancien régime et on peut considérer que le mode d'accession aux responsabilités est majoritairement d'un autre ordre.
Comment accède-t-on à un statut professionnel et, partant , à un revenu , à un certain pouvoir et à un certain statut social ? A bien y réfléchir, il y a deux manières :
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une que l'on qualifiera d'objective et de républicaine et dont l'expression la plus affirmée est celle du concours : elle est fondée sur le mérite . Comme cela vient d'être dit, le concours n'est pas le seul mode d'accès : les écoles der commerce produisent des diplômés qui vont ensuite offrir leurs services aux entreprises : mais même moins formalisé, le principe reste le même : les employeurs connaissent peu ou prou la réputation des formations et des établissements ; ils embauchent à la suite d'une procédure qui peut être plus ou moins sophistiquée des gens supposés avoir les compétences dont ils ont besoin. Le système fonctionne d'ailleurs pas trop mal puisqu'une récente enquête du Point montrait qu'à l'issue de trente mois après l'obtention de leur dernier diplôme, les étudiants trouvaient un emploi dans une proportion comprise entre 80 et 100% selon les établissements , emploi assez fréquemment à la hauteur de l'investissement qu'ils avaient réalisé.
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La seconde manière d'accéder aux emplois supérieurs est constituée par les réseaux. Pour une part, elle est d'ailleurs complémentaire de la précédente : celui qui trouve un emploi se constitue des relations qui lui permettent de valoriser ses compétences auprès des autres et de prétendre à une progression dans l'emploi et les responsabilités. Mais il est aussi extrêmement fréquent que les réseaux soient préexistants tout simplement parce que madame Du Pont ou Mr Delanoix avaient des parents qui étaient très amis de X et connaissaient bien Y qui était lui même un ami de Z, lesquels X, Y et Z n'étaient ni OS chez Valéo, ni chauffeurs laitiers chez Lactalis, ni aide-soignante à la maison de retraite de Lassay les Chateaux !
Il est clair que les deux systèmes ont un mode de fonctionnement différent. : L’École Nationale d'Administration, souvent vilipendée pour son élitisme supposé et sa capacité à former des fonctionnaires sans âmes est , quoi qu'on en dise,un modèle de promotion sociale . Le concours interne, en particulier, a permis a des inconnus sans grades d'accéder à la haute fonction publique en raison de leurs seuls talents. Avant l'ENA , on entrait au quai d'Orsay à la condition d'avoir un nom à particule. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Mais en revanche , on peut considérer qu'une fois effectuée la sortie , il vaut mieux s'appeler Martin Hirsch et bénéficier de réseaux qu'Eugene Durand, à l'origine modeste attaché de préfecture .
On tient d'ailleurs sans doute la une des clés de l'expatriation de l'ENA à Strasbourg , forme hexagonale de ce que pouvait être le bannissement en Sibérie au temps des Tsars. Edith Cresson, grande bourgeoise ayant compris qu'il fallait mieux faire semblant d'être de gauche pour faire carrière, sans doute ancienne élève d'HEC mais pur produit de la courtisanerie tontonophille , devait, au fond, haïr cette institution qui faisait entrer dans le cercle du pouvoir des enfants de manants. Envoyer l'ENA sur les bords du Rhin sous prétexte de la rendre plus européenne quand , dans le même temps , on détricote à Bruxelles le modèle administratif français était donc une manière de dire que trop de mérite et de démocratie gâche les bonnes manières. Cresson , en nommant son dentiste Berthelot expert à Bruxelles,(il était en charge , à Châtellerault, d'étudier le signe astral des candidats à l'embauche!) dans une pure tradition de népotisme mâtinée de vulgarité et de bêtise porte alors incontestablement les couleurs de cette gauche caviar haineuse de la populace.
Au fond, on peut émettre l’hypothèse suivante : Ces gens, appartenant à l'élite dominante et gouvernante de la société se sentent menacés et surtout sentent la menace pesant sur leurs enfants contraints d'affronter la progéniture de la roture dans un combat loyal : celui du mérite. C'est la première fois qu'une telle chose existe puisque, rappelons le , il faut une explosion du nombre de diplômés pour que soient menacés ceux qui tiennent leur position sociale de ce que Bourdieu aurait appelé l'Héritage. On ne peut évidement remettre frontalement en cause les règles du jeu. Les discriminations positives et notamment la parité viennent alors à point nommé.
D'abord, la gauche socialiste et surtout caviar qui promeut l'idée est dans une situation objective de fort intéressement à l'affaire. Le parti socialiste n'est pas composé d'ouvriers ou d'employés mais plutôt d'une petite bourgeoisie diplômée faite de petits cadres , d'enseignants et autres représentants de l'économie tertiaire postindustrielle. Il s'agit donc de gens qui , le plus souvent, ont quelque chose à perdre si leur progéniture se révélait moins performante que celle du petit peuple. La droite n'est pas acharnée à la défense du mérite républicain et, dans un premier temps, elle dénoncera , à l'instar de Chirac,ce renoncement de la gauche à ses propres valeurs . Puis elle va s'y rallier. De grands naïfs ou de petits escrocs comme Thomas Legrand y verront la preuve que les grandes idées nobles finissent toujours par triompher. En fait , la droite a fort bien compris qu'elle n'avait rien à y perdre puisque l'électorat lésé n'est sans doute pas vraiment le sien et qu'elle trouve une occasion de montrer sa modernité à peu de frais
On voit évidement venir l'objection qui tue : ce montage ne tient pas la route puisque les femmes sont légèrement plus diplômées que les hommes et que faire une place aux femmes portera préjudice à tous les hommes, y compris ceux qui espéraient une investiture socialiste aux législatives et devront s'effacer devant une candidature féminine.
Oui, sauf que c'est méconnaître la nature profondément élitiste et arbitraire du système mis en place. Celui ci est peut être , formellement, un système qui va faire plus de place aux femmes et qui d'ailleurs contient en germe de graves dérives ( voir article fiction sur la révolution paritaire) . En effet ; pourquoi s'arrêter aux femmes : il y a aussi les minorités visibles et puis pourquoi pas les homosexuels ou encore les jeunes des banlieues ; enfin toutes les minorités souffrantes. Car cette construction imbécile, justifiée par certaines féministes par le fait que sans femmes il n'y aurait pas d'hommes (comme si sans jeunes il pourrait y avoir des vieux) est susceptible de s'étendre à qui sera capable de démontrer qu'elle a droit à repentance. Sauf bien sûr, qu'à un moment, il faudra bien désigner ceux qui n'ont pas ce statut et ne mérite pas le privilège ! Les couches populaires doivent en faire partie, elles qui se sont détournées du PS pour se laisser séduire par Marine Le Pen !
En fait, on n'a pas compris que ce système est aussi celui qui permet de faire sauter le verrou de la promotion par le mérite . Posant d'ailleurs comme principe que la femme est la victime qui a droit à la réparation des torts qui lui ont été faits, on aboutit évidement à ce que la grande bourgeoise a droit à plus de commisération que le prolo mâle qui vient de perdre son job. Il faut que la gauche officielle et branchée soit tombée dans un état de pourriture intellectuelle avancée pour ne pas se rendre compte que la parité ne peut que servir les privilégiés dès lors qu'il est fait abstraction des origines et de la condition sociale.
D'abord, en effet , il n'existe aucune règle imposant aux défenseurs de la parité de l'appliquer lorsqu'elle aurait à s'appliquer. On l'applique en le criant haut et fort quand cela vous arrange ; on y déroge quand cela vous dérange ! La seule sénatrice des Yvelines qui soit socialiste dans les années quatre-vingt-dix s'appelait Françoise Seligman . Quand il fallut trouver un point de chute à Robert Badinter , on débarqua Françoise Seligman comme on débarqua Denise Cacheux, une des rares députées du Nord qui faut vraiment d'extraction populaire. En même temps , on n'a même pas honte de fournir une sinécure à Jack Lang dans une circonscription sûre du Nord, lequel Jack Lang est à la défense des intérêts populaires ce que Landru devait être aux droits de la femme..
En second lieu , la parité n'est qu'une des modalités parmi d'autres du mode de désignation des copains ou coquins : il en existe d'autres comme la création de fonctions diverses et variées , à la valeur ajoutée souvent plus que douteuse mais toujours bien rémunérées, le plus souvent aux frais du contribuable. Lyn Cohen-Solal n'arrive-t-elle pas à vivre de son indemnité de conseillère régionale Île de France et autres activités parisiennes que son ami Mauroy lui offre un petit complément à la mairie de Lille. Se multiplient ainsi les fonctions de consultants, de chargés de communication et autres marchands de poudre de perlimpinpin dont la production n'est même pas digne des poubelles de l'Histoire mais dont la rémunération vous met à l'abri des affres du smicard.
( suite marché des femmes)
Pour terminer, il serait bon de se poser une question : la parité a -t-elle permis que l'on soit mieux gouvernés, que les décisions prises soient meilleures et que les citoyens soient plus heureux dans un monde enfin débarrassé de la domination masculine. La réponse est manifestement négative : dans ce pays tout va plus mal depuis 15 ans au moins.
La parité serait elle alors une manifestation de cynisme ? Puisque nous n'avons d'autre choix que de faire des bêtises , il faut absolument y associer les femmes à l'instar de ce qu'écrit René Girard s'agissant du sacrifice (tous les membres du groupe doivent y prendre part). Si tel n'est pas le cas, il faut alors bien convenir qu'il reste deux solutions :
-soit c'est un gadget : comme on n'a plus de prise sur ce qui est important on amuse la galerie
-soit , et c'est plus vraisemblable, au delà des objectifs affichés, il y a bien une fonction réelle qui est d'organiser un échappatoire à la démotion sociale
La parité a permis que la moitié des conseillers municipaux soient des femmes et que la moitié des légions d'honneur soient attribuées à celles ci. La belle affaire !!! Quand on distingue derrière les écrans de fumée, la réalité des choses, il faut bien constater que ce montage est sans doute le fait de politiques qui n'ayant plus rien à proposer d'intelligent prennent n'importe quel gadget pour une grande avancée sociale ; il est d'abord un moyen pour les dominants de préserver leurs positions face aux prétentions du petit peuple. La parité n'est jamais invoquée pour écarter Jack Lang ou Manuel Vals!
Tout cela ressemble en fait à une partie de cartes dans laquelle un des joueurs aurait la faculté de remplacer les cartes qui ne lui plaisent pas par d'autres choisies dans le jeu de son adversaire. Ici, on écarte les candidats méritants pour placer sa copine ou la femme de son copain.
Un certain Philippe Sage qui se dit gauchiste ( on ne savait pas que l'espèce existait encore) était publié par le Nouvel Observateur cette semaine et nous expliquait qu'il fallait écouter les électeurs du Front national car il y a chez la plupart une profonde détresse. Beaucoup de mots pour expliquer cela mais à la fin de l'article, si on est effectivement convaincu par l'auteur de la nécessité de les entendre, on se demande en fait ce qu'il pourrait bien avoir à leur dire. La parité n'est qu'une manifestation parmi d'autres de cet autisme qui caractérise cette nouvelle bourgeoisie. Au mieux on ne voit pas très bien en quoi la parité rendra leur boulot aux hommes et aux femmes de Gandrange. Au pire elle aura raison des ambitions de leurs enfants.
Je ne peux m'empêcher de terminer par ce qui pourrait être pris pour une note d'espoir. En 2007 , en Ile et Vilaine , les instances du PS décident qu'au nom de la parité, on sacrifiera Marcel Rogemont au profit d'une femme. Marcel , c'est pas Jack , ni Laurent, ni Benoît ni Bertrand quand même. Marcel qui avait fait ses études à la fac de Rennes est précisément le type même de ces gens issus du peuple dont l'institution universitaire aura permis la promotion. Que fera Marcel Rogemont ? Il maintiendra sa candidature sous une étiquette divers gauche et sera élu député. C'est bien là ce qui devrait être fait chaque fois que les nouveaux nantis de la gauche caviar en prennent à leur aise.
MK