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CHOMAGE FRANCAIS, CHOMAGE ALLEMAND
LES GUIGNOLS DE L’APOCALYPSE
La problématique de l'emploi en France peut être abordée de différentes manières, qui ne sont pas alternatives mais complémentaires. On en développera trois
Pourquoi, avec 10 % de taux de chômage, la France se situe-t-elle notoirement au-dessus de certains de ses voisins et notamment de l'Allemagne ?
On peut d’abord, sans faire appel aux théories économiques tenter d'analyser des faits et se demander pourquoi deux pays, appartenant à l'espace européen peuvent avoir des évolutions divergentes de la courbe de chômage : ce sera la première partie de cet article
On peut aussi se demander pourquoi, le chômage reste partout mais notamment en France notoirement plus élevé qu'il ne l'était à la fin des trente glorieuses. La crise, qui commence avec le premier choc pétrolier ne peut être tenue pour le chef d'orchestre de ce requiem au plein emploi. Il faut aller plus au fond, dans les politiques qui ont été menées pour trouver des explications : En quarante ans de lutte décevante, le contexte a changé, la société et les comportements ont fait de même. Le chômage étant d’abord ce qui résulte de la confrontation entre une offre et une demande d’emploi, quels sont, de chaque côté les paramètres qui ont influé sur son niveau
En troisième lieu, il faut rappeler, n’en déplaise aux virtuoses de la mathématisation de l’économie pour en faire une science exacte (avec le succès que l’on sait) que l’économie est politique au sens où est politique le choix de la manière dont on affecte les ressources. Il faut donc explorer le système social et la régulation qui en est faite pour mettre à jour la réalité du phénomène chômage.
Pour être plus clair, la société soviétique n’a pas de chômage du simple fait que le travail est obligatoire. Dans une société entièrement régulée par le marché, il n’y aurait pas non plus de chômage puisque ceux qui n’auraient pas d’emploi n’auraient, sauf à vivre sur un capital, pas d’autre solution que …de mourir de faim. Le chômage, dans les deux cas pointe cependant son nez ! Dans la société régulée par le marché, ce sont les mendiants, dans la société soviétique c’étaient les « dejournaya » qui passaient leur journée en toute inutilité à l’étage de chaque hôtel. Comme l’économie est politique, le chômage est politique et il en résulte des conséquences infiniment plus importantes qu’on ne le croit
LE RETOUR DES VALKYRIES
Chômage en France, chômage allemand
Pourquoi une telle différence ?
Le différentiel existe depuis longtemps, il s'est cependant accentué depuis une quinzaine d'années. Il convient donc de rechercher les causes économiques de cette situation lesquelles peuvent être regroupées autour de trois axes : la situation démographique, les caractéristiques du marché du travail et les performances de l'économie allemande.
On rappellera préalablement un certain nombre de mécanismes et concepts économiques fondamentaux qui seront utilisés ici.
- L'emploi est, toutes choses égales par ailleurs conditionné par les mouvements qui animent la population elle-même : une diminution de la fécondité réduit, à court terme, le pourcentage des inactifs (dont font partie les jeunes et augmente naturellement le taux d'emploi. Une augmentation de l'espérance de vie a l'effet inverse sauf à augmenter l'âge de la retraite. Les mouvements migratoires peuvent eux-mêmes affecter les taux d'emplois, en fonction notamment de l'âge des migrants ( s'agit-il d'adultes ou de familles?) ou de leurs comportements sociologiques (travail ou non des femmes)
- le taux d'activité est le rapport entre la population active et la population totale. La population active comprend donc les actifs ayant un emploi et ceux qui en sont privés mais en recherchent un. Le taux d'activité ne reflète donc pas le chômage mais le comportement par rapport à l'emploi même si le chômage n'est pas sans incidence sur celui-ci : un taux de chômage élevé peut dissuader de rechercher un emploi et de se faire connaître comme tel sauf si une inscription conditionne le versement d'une indemnité.
- Le taux d'emploi qui mesure le rapport entre la population ayant un emploi et la population totale est inférieur au précédent et mesure la capacité réelle de l'économie à créer de l'emploi. Mais tout n'est pas si simple. Les temps partiels qui permettent de diviser la même quantité de travail par un plus grand nombre de travailleurs diminuent le taux de chômage. Dans le même temps, il n'est pas indifférent de savoir de quel emploi il s'agit mais cette question sera abordée dans le III.
Revenons donc au différentiel de taux de chômage entre la France et l'Allemagne.
A La première raison généralement invoquée est la démographie :
La France a vu sa fécondité diminuer depuis le Baby Boom mais pas dans les proportions de l'Allemagne qui n'assure plus le renouvellement des générations. Depuis une quinzaine d'années, le nombre de naissances en Allemagne est inférieur à 700 000 par ans pour une population de 82 millions d'habitants. En France ce chiffre dépasse sensiblement les 800 000 pour une population plus de 66 millions et demi en 2015. Parallèlement, le nombre de décès était supérieur à 850 000 en Allemagne contre 550 000 en France. La population de l'Allemagne a diminué pendant cette période et la projection, plutôt fantaisistes de l'UE lui donnent 70 millions d'habitants en 2050 (fantaisistes car on ne voit pas très bien comment on peut prévoir les comportements et les données objectives à 35 ou 40 ans).
Ce fait est généralement reconnu comme expliquant une partie du différentiel de chômage. Une population plus vieille signifie plus de départs à la retraite et moins d'entrées sur le marché du travail. Pour ne considérer que ces dernières, la France doit trouver pas loin de 150 000 emplois de plus que l'Allemagne pour donner du travail à ses jeunes chaque année.
On doit cependant apporter trois correctifs à ce qui vient d'être dit
D'une part, il faut prendre en compte l'arrivée effective sur le marché du travail et la sortie effective de celui-ci. Ainsi, les flux de sortie sont à rapprocher de la situation de la natalité il y a vingt ans.
Ensuite, il faut tenir compte de l'allongement de la durée d'activité, particulièrement observable en Allemagne et qui a pour effet de diminuer les sorties et par conséquent le déficit. Ainsi, le taux d''emploi des 55-64 ans est-il de 20 points supérieur en Allemagne (65,6% contre 47%).
Enfin, l'immigration permet, évidemment de corriger les flux naturels. Or, l'Allemagne est devenue un pays d'immigration et le phénomène s'est accentué dans les dernières années. Qui plus est, à la différence de la France, cette immigration est majoritairement en provenance des pays de l'Union (diplômés fuyant le chômage dans leur pays comme les jeunes espagnols ou à la recherche de meilleures rémunérations comme les polonais), alors qu'en France, elle est non seulement (officiellement) plus faible mais à 60% en provenance du reste du monde, donc à priori peu ou pas formée. En 2013, ce sont 600 000 immigrés qui vont combler, en Allemagne, le déficit démographique, en 2014 plus de 750 000 !
En conclusion, le déficit démographique allemand pourrait être considéré comme lui donnant un point de chômage en moins. Rien n'est moins sûr si on procède à une analyse plus approfondie.
B La seconde raison reconnue est le fonctionnement du marché du travail.
On a déjà évoqué ci-dessus des taux d'emploi plus élevés chez les 55-64 ans, d'autres éléments doivent être soulignés.
S'il s'agit de comprendre pourquoi le taux de chômage est plus faible en Allemagne, on n'abordera pas pour l'instant la question de l'efficacité et de la compétitivité des mains d'œuvre de chaque pays mais uniquement la question de savoir s'il existe des éléments objectifs qui font que la même activité génère plus ou moins d'emplois. Or, sur ce plan, le travail à temps partiel est un paramètre très important.
Le travail à temps partiel est beaucoup plus développé en Europe du Nord qu'en Europe du Sud. Les Pays Bas seraient même, sur ce plan le champion toutes catégories avec, selon Eurostat près d'un emploi sur deux.
http://www.leparisien.fr/magazine/grand-angle/pays-bas-champions-du-temps-partiel-25-02-2013-2597311.php
En Allemagne, c'est un peu plus d'un emploi sur 4 en 2014 (26,5%) contre 18,6% en France. Cette différence de 8 points n'est pas négligeable. On a vu que si un emploi à plein temps c'est par définition, deux emplois à plein temps, cela veut aussi dire qu'un emploi créé à plein temps supprime un chômeur, tandis que ce sont deux chômeurs en moins avec du mi-temps.
Toujours selon Eurostat, la durée moyenne du travail à temps partiel était en 2014 de 19 heures hebdomadaires en Allemagne contre près de 23 heures en France. Ceci ne corrige pas mais accroît au contraire la propension de l'Allemagne à « partager » le travail si on la compare à la France.
On explique sans doute mieux une partie, mais seulement une partie du différentiel de chômage entre les deux pays que par les sempiternelles invocations et vociférations sur les 35 heures et la préférence pour les loisirs, volontiers développée à droite et qui expliquerait notre infortune.
Toujours selon Eurostat, qui ne peut quand même pas être accusé d'être vendu à la fille de Jacques Delors, la moyenne hebdomadaire des heures travaillées était, pour les emplois à temps plein, de 41,4 heures en Allemagne contre 40,4 en France en 2015 (respectivement 41,7 et 41,1 en 2007). La loi sur les 35 heures était votée depuis quelques temps déjà. Quant au coût de la main d'œuvre, l'heure de travail était plus chère en France en 2015 (35,1 E contre 32,2) pour 31,2 et 27,9 en 2008. Mais elle était de 39 euros en Belgique et 37,4 E en Suède. Tout cela non corrigé par les niveaux de productivité.
En revanche, sur la période 2008-2014 le taux de croissance de l'emploi est 3 fois supérieur à ce qu'il est en France, mais là il faut se tourner vers autre chose.
C.La reconstitution du Lebensraum
La réunification de l'Allemagne n'a guère tardé après la chute du mur. Qui pouvait s'y opposer ? En tout cas, pas la grande diplomatie française, et on y reviendra.
L'Allemagne ne mettra pas longtemps à transformer la RDA alors qu'on lui prédisait un boulet. Mais elle va plus loin ! Le Lebensraum ( l'espace vital) d'Hitler n'avait vécu que 4 ans. Kohl, puis Schröder puis Merkel feront beaucoup mieux en transformant l'Europe de l'Est en Werkstatt, en atelier de l'industrie allemande. Les quatre pays de Visegrad, ( Tchéquie, Pologne, Slovaquie et Hongrie ) ce sont 65 millions d'habitants, autant que la France avec une main d'oeuvre très bien formée.
Les résultats sont à la hauteur. En 2015, selon Eurostat, L'Allemagne réalise, au sein de l'Europe des 28 694 milliards d'exportations sur l'ensemble des échanges intra zone contre 622 milliards d'importations soit respectivement 22,6 et 20,7% des échanges intra-zone. Elle enregistre donc un excédent de près de 73 milliards d'euros toujours au sein des 28 pays membres.
Plus intéressant, elle exporte pour plus de 100 milliards d'euros vers la France contre 72,5 milliards d'importations. Les mêmes tendances peuvent être relevées avec l'Italie ( 56,8MM d'exportations, contre 51 MM d'importations, l'Espagne ( 40,3 MM d'exportations contre 27,7 milliards d'importations, et surtout le Royaume Uni 83,6 milliards d'exportations contre 41,8 d'importations soit un taux de couverture supérieur à 200% dans ce dernier cas.
L'excédent de l'Allemagne avec les quatre autres économies les plus importantes ( France, R.Uni, Italie, Espagne est de l'ordre de 90 milliards d'euros, soit supérieur à son excédent avec l'ensemble de la zone. Il faut donc qu'elle soit déficitaire avec d'autres pays.
C'est précisément le cas avec le groupe de Visegrad (Pologne, République Tcheque, Slovaquie, Hongrie) c'est à dire les pays du bloc soviétique géographiquement les plus proches mais aussi ceux qui étaient les plus développés. La part de l'Allemagne dans leur commerce avec l'UE frise les 40% sauf pour la Slovaquie qui a un commerce important avec la république tchèque.
En fait, ces pays sont le « Werkstatt « , (l'atelier) de l'Allemagne qui y fait produire ou assembler une bonne partie de ses produits industriels . En 2015, l'Allemagne importe pour 135 milliards de ces pays soit deux fois ce qu'elle importe de France, alors même que le PIB par tête est lui-même deux fois inférieur à ce qu'il est chez nous.
On comprend pourquoi, sur les deux autoroutes surchargées qui relient au sud, l'Allemagne à l'est (Stuttgart-Munich et Francfort-Nuremberg, un poids lourd sur deux est immatriculé en Europe de l'est !
Quelles en sont les conséquences ? Sans tomber dans un mercantilisme échevelé, on admettra qu'un produit acheté en Allemagne n'est pas produit en France ou au Royaume Uni, qu'il en résulte qu'il crée un emploi en Allemagne quand il n'en crée pas dans le pays acheteur. Pour être plus précis, il faut raisonner non sur le montant des exportations ou des importations mais sur les excédents ou les déficits.
On a vu que le déficit des seuls quatre pays les plus grands partenaires de l'Allemagne était, avec celle-ci de 90 milliards.
Le coût salarial moyen , en Europe de l'ouest est comparable d'un pays à l'autre et tourne autour de 60 000 euros annuels. Les salaires représentent en gros les deux tiers de la valeur ajoutée. En divisant l'excédent allemand par le coût salarial augmenté de 50% afin d'obtenir la proportion salaires /profits deux tiers-un tiers, on obtient le nombre d'emplois générés par cet excédent au profit de l'Allemagne !!! soit un million d'emplois dont plus de 300 000 pour la France (1)
Haro sur le baudet teuton coupable d'un égoïsme sans nom !
Mais c'est un peu plus compliqué.
En premier lieu, si on considère maintenant le commerce extra-communautaire, moins important en montant (1725 milliards d'importations et 1791 d'exportations) l'Allemagne exporte , à elle seule pour 505 milliards et réalise un excédent de 180 milliards. Sans doute, ajouté au précédent, cela fait il 253 milliards soit l'équivalent de presque 4 millions d'emplois. On a donc là l'explication du faible taux de chômage allemand comparé à celui de la France, qui enregistre un déficit global de 60 milliards, compensé, il est vrai, en grande partie par l'excédent de la balance des services.
Mais, même s'il ne s'agit pas de défendre le casque à pointe qui sait le faire tout seul, il faut noter que l'Allemagne se montre moins rapace vis à vis de l'Europe. Elle pourrait même soutenir qu'elle est l'abbé Pierre des ex-pays communistes puisqu'elle y a créé de l'activité et de l'emploi.
Par ailleurs, au début des années 2000, l'Allemagne est déficitaire vis à vis de la France. Les réformes Harz et l'exploitation éhontée de la main d'œuvre peu qualifiée expliquent sans doute moins le renversement que ne le font les effets de l'investissement industriel réalisé en Europe et dans le monde.
Il en résulte que , ceux qui s'apprêteraient à sortir le béret comme dans les commémos et à brailler « nach Berlin » oubliant que la dernière fois, cela ne leur a pas trop réussi, feraient mieux de balayer devant leur porte et de se tourner vers leur héros préféré ! Pendant que la France gaullienne était préoccupée par sa grandeur, travaillait à emmerder les américains, y compris en copinant avec les dictateurs de la planète, que la France post-gaullienne continuait le travail en hébergeant à Nauphle le Chateau un sinistre ayatollah, l'Allemagne, punie pour mauvaise conduite « faisait des lignes », en clair bâtissait une économie solide qui n'eut pas besoin d'un Sardou pour chanter »ne m'appelez plus jamais France » !!
Oui, le faible chômage allemand c'est d'abord le produit de ses excédents. Le chômage français n'est que bien partiellement explicable par son déficit. Mais il faut aussi chercher ailleurs
(1) La valeur d'une marchandise comprend, bien, sûr, aussi les consommations intermédiaires et pas seulement la valeur ajoutée. Cependant, cela n'infirme pas, à mon sens la validité du raisonnement. Soit les dits intrants viennent du pays et c'est une somme de salaires et de profits, soit ils viennent d'ailleurs mais, comme on raisonne sur des soldes (excédent ou déficit commercial) les emplois créés à l'étranger sont neutralisés
KELENBORN 2/3/16