ZEMMOUR NOSTALGIQUE DE SAINTE-HELENE ET DU ROI DAGOBERT

 

 

     

 La chute de Zemmour a été aussi brutale et abyssale que son ascension fut triomphale. Quel fut, dans cette dernière la part respective du talent et d’une surprenante complicité médiatique, ces derniers surmontant leur répulsion à l’égard d’une pensée d’extrême droite pour jouir secrètement du plaisir qu’ils avaient de voir saccager le jardin de Marine Le Pen.

Zemmour aura eu, c’est incontestable, ce mérite de mettre sur la table des questions sinon interdites, à tout le moins taxées de sulfureuses (nauséabondes pour reprendre l’expression favorite de la bien-pensance qui a pourtant l’odorat moins fin quand arrive le remugle des charniers de Staline ou de Daesh.)

Il doit sans doute, à lui-même d’avoir brûlé ses vaisseaux…

Mais ce n’est pas ce qui est le plus important. Ce qui apparait surtout, c’est que le fossé entre le Zemmourisme et le RN et la droite la plus déterminée côté LR est bien plus important qu’on ne le croit et que MLP  a eu raison de renvoyer à ses fantasmes le Roméo bien maladroit qui s’agitait sous son balcon.

Venons-en à l’essentiel. Tous les discours de Zemmour se terminent par « Vive la République et SURTOUT vive la France ». On aura compris, si ce n’était déjà fait que la France c’était plus important que la République.

Pour qui a écouté Zemmour sur C News, il n’y a rien de surprenant. C’est un admirateur de Napoléon. Il aurait pu s’arrêter à Bonaparte mais tel la garde qui ne se rend pas, il le suit jusqu’à Waterloo. C’est un admirateur de De Gaulle qui est, certes l’homme du 18 juin mais aussi un amoureux frileux de la démocratie dont les pratiques seront sanctionnées en mai 1968.Qui ne se souvient pas de l’ORTF sorte de ministère de la vérité et des interviews de Michel Droit ? Oui ce n’était pas très démocratique mais c’était pour le bien de la France n’en déplaise aux veaux qui l’habitent.

« Les rois ont fait la France, la France se défait sans roi » : c’était le slogan de l’Action française. Zemmour est au moins d’accord avec la première partie de la phrase.

Pour Zemmour, la Révolution n’est qu’un épisode plus ou moins heureux dans la marche glorieuse qui commence avec Clovis et se termine avec De Gaulle. Et d’ailleurs, son attitude vis-à-vis de Pétain est ambiguë. On le comprend : Pétain a remplacé la République par l’Etat français. Il assure donc la survie de la France en jetant aux orties une république coupable de la défaite de 40.

Pour faire simple, dans le grand catalogue des idées politiques, Zemmour est un héritier de la pensée contre révolutionnaire, celle qui de Burke à De Maistre en passant par Bonald n’entend ni plus ni moins présenter la Révolution comme une œuvre du diable et une offense au tout puissant. Evidemment, avec la découverte de l’ADN et des exoplanètes, tout cela ferait s’esclaffer dans les chaumières surtout quand elles sont habitées par les Gilets jaunes.

De Maistre fustige la notion même de citoyen. dans ses Considérations sur la France (1796) à propos de l'homme de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Il n'y a point d'homme dans le monde. J'ai vu dans ma vie, des Français, des Italiens, des Russes, etc. ; je sais même grâce à Montesquieu qu'on peut être persan ; mais quant à l'homme, je déclare ne l'avoir rencontré de ma vie. » 

Le citoyen est une abstraction car il ne peut décrire la réalité. La réalité c’est celle d’individus qui sont les produits de leur culture. Entendons-nous bien : le propos de De Maistre vise surtout à justifier l’inégalité des conditions qui est le propre de l’ancien régime. Si l’on admet que l’ordre existant est celui voulu par Dieu, celui ou ceux qui lui portent atteinte commettent le blasphème et méritent le châtiment. On est au cœur d’une pensée résolument conservatrice et réactionnaire.

Evidemment, Dieu est devenu mauvais prêteur. A l’exception de Charlotte d’Ornellas, pas grand monde ne prendrait Zemmour au sérieux s’il criait « Vade retro Satanas ».

Il faut donc sacraliser la Nation comme une sorte d’être suprême que chacun se doit de servir. Peu importe qui gouverne dès lors qu’il agit dans l’intérêt du bien commun qu’elle représente.

La question du régime, démocratique ou non, devient alors secondaire ce qui explique la mansuétude à l’égard de Pétain : « Maréchal nous voilà ! » Pétain est le héros de Verdun et ce serait inconvenant pour ne pas dire ignoble de s’interroger sur les bouchers de la première guerre.

La démocratie est bien née avec la République sur le cadavre de la monarchie absolue. Mais République et Démocratie ne valent que pour autant que la pureté de la France est préservée.

Et tant pis au fond si l’ancien régime, (c’est celui du chevalier de la Barre mis à la roue car il a refusé de se découvrir au passage d’une procession (étonnant que l’on manifeste tant de mansuétude vis-à-vis de l’intégrisme catholique quand il punit le blasphème), tant pis si le comte de Rohan-Chabot peut y faire embastiller Voltaire grâce à une simple lettre de cachet

Et tant pis au fond si le christianisme, (même si on peut lui accorder le crédit qu’il laisse ouverte à la différence de l’Islam la possibilité d’une séparation du spirituel et du temporel), c’est aussi, après la lumière de Platon, d’Aristote et autres Pythagores, plus de mille ans d’une obscurité seulement éclairée par le feu des bûchers.

Oui : les Lumières et la Révolution, en dépit de ses excès ont permis de créer cette merveille qu’est le citoyen. Merveilleuse invention que l’on peut retourner à de Maistre : oui : le citoyen n’est ni un homme ni une femme, ni blanc ni noir, ni athée ni croyant, ni de droite ni de gauche…mais cette abstraction est parfaitement visible sur la colline de Valmy quand il faut stopper Brunswick !

C’est tout cela que n’aime pas Zemmour….Il aime moins la République que la France car, au fond, il a une vision inégalitaire du monde qui justifie ses amours coupables. L’église fustige le péché de chair mis Richelieu a quatre enfants et, pendant qu’on condamne le chevalier de la Barre, Loménie de Brienne, archevêque de Toulouse peut crier partout qu’il est athée !

Mais cela va plus loin : il croit bon de dénoncer l’individualisme forcené qui fait que notre monde est assailli par une revendication des droits. Il n’a pas totalement tort mais procède à un raccourci indigne du grand esprit qu’il est.

Au fond, ce qui sépare les démocrates de Zemmour, c’est que le second glorifie Foch, Pétain voire même Joffre quand, au nom de la France, ils ont envoyé à la mort un million quatre cent mille jeunes ou moins jeunes qui ne demandaient qu’à vivre. La même chose vaut pour ceux qui en face le furent par Hindenbourg. C’est le mérite de la démocratie d’avoir privé de leurs jouets des généraux formés pour tuer. Ce que la démocratie a progressivement refusé, la France s’en est largement accommodée. C’est la démocratie qui a rendu le monde plus humain. Pas la patrie, pour qui les hommes doivent le sacrifice !

L’histoire de l’Humanité montre que la démocratie n’est pas le régime le plus probable : elle nait à Athènes mais disparaitra un peu plus tard avec l’Empire romain et plus encore avec la féodalité dont le fondement est l’inégalité des statuts. Elle ré émerge au Royaume Uni mais péniblement puisqu’il faudra attendre Disraeli pour que le suffrage soit universel. En Allemagne, au Japon, il a fallu un cataclysme pour qu’elle s’impose.

Soyons clair : la démocratie n’est pas le mode de gouvernement naturel car la plupart des hommes aspirent à cultiver leur jardin sans s’embarrasser du pouvoir. Les tentatives d’autogestion ont toutes échoué et on doit se contenter de la démocratie représentative.

Devant cette réalité, certains, comme les chinois ou Poutine en viennent à considérer que c’est un luxe inutile et coûteux.

Mais ce qui différencie la  démocratie de ces dictatures assumées ou maquillées en démocratures c’est LE POUVOIR QUI RESTE AU PEUPLE DE DIRE NON.

Ce pouvoir suppose la reconnaissance de droits individuels et donc légitime l’individualisme. On l’a bien vu avec la crise du Covid, les velléités des pouvoirs de restreindre les libertés avec l’assentiment de cette même partie de la population qui aurait été vichyste au temps du bon maréchal. Nombre de gens ont résisté, au grand dam du pouvoir qui s’est même proposé de les emmerder.

Dès lors, avoir des citoyens qui affirment leurs droits ou qui refusent qu’on leur porte atteinte (comme la jeune Laura, dans le Tarn, poursuivie par des gendarmes imbéciles pour avoir interpellé Macron ou encore Hervé Héon poursuivi pour avoir exhibé à Laval un « casse toi pov con » sur le passage de Sarkozy et qui devra aller jusque devant la Cour européenne pour être acquitté.)est un signe de bonne santé de la démocratie face aux attaques d’un pouvoir bête. Et la…on est loin du discours zemmourien .

Le seul point sur lequel on peut lui faire crédit est celui dans lequel il dénonce des revendications qui ont moins pour objet de défendre des droits que, par ce biais, de limiter ceux des autres. Ainsi en est-il des revendications téléguidées par les islamistes sur le voile ou le  burkini. Ainsi en va-t-il d’un certain discours néo féministe et de son compère racialiste dont l’objet est de dénoncer le mâle blanc lequel est quand même celui grâce auquel ce pays produit encore des richesses.

En cela l’apport d’Eric Zemmour a été salutaire en ce qu’il a rappelé au RN la nécessité de ne rien lâcher sur l’essentiel du combat. Pour le reste ;non Eric Zemmour, les français et les Gilets Jaunes qui sont ceux par qui est produite la richesse de ce pays ne réclament pas Napoleon comme président, ni Thiers comme premier ministre non plus que Richelieu à l’intérieur ! Et surtout ils veulent bien nommer un ministre du changement climatique à condition que ce soit Casimir

On pourrait évidemment avancer le principe : « pas de liberté pour les ennemis de la liberté » mais…ils n’attendent souvent que cela.

Encore un effort, monsieur Zemmour, cessez de voir l’avenir depuis Sainte Helene et je vous assure que vous verrez plus clair, contemplez la Marianne de Delacroix sur une barricade plutôt que le portrait du boucher Joffre et tout ira mieux…

Bon, au fond, Staline, au fond de sa tombe ou chez Satan ( coup d’œil à Charlotte d’Ornellas) dirait : « C’était un idiot utile »