VOUS AVEZ DIT AVOCAT?

                    

     Le commissaire du gouvernement se lève et dit : la requête est irrecevable car n’ayant pas été précédée d’une  demande préalable d’indemnisation auprès de l’administration.

    L’avocat reste bouche ouverte : c’est pourtant élémentaire : on ne peut engager la responsabilité financière de l’Etat qu’après une décision de rejet d’une demande préalable : un étudiant de seconde année de droit sait cela. L’avocat qui a, à minima une maîtrise  l’a oublié ou est passé à travers !

Me Linda L conclut dans une affaire de succession que Mr X n’a formulé aucune proposition de règlement mais elle joint en annexe non pas la proposition de son client mais celle de Mr X

Me Nadia H  fait plus fort puisqu’elle écrit :

« J'ai une obligation de conseil et ne vois pas l’intérêt de rentrer dans des justifications outre que le fait qu'il est connu de l'affaire à ce stade , » comprenne qui pourra !

Il est vrai que Me Hilmy est un produit de la discrimination positive et que l'on ne peut tout avoir !

Ayant été quelque temps magistrat administratif , je puis affirmer que 80% des avocats sont nuls. Je me souviens que sur des recours en matière de contentieux fiscal, il fallait lire en premier le mémoire en défense de l'administration pour comprendre les tenants de l'affaire puisqu'au dela des «  force et de constater » et autres formules incantatoires et rituelles, le mémoire rédigé par l'avocat était d'une affligeante nullité : le requérant récoltait la double peine : en plus de payer l'impôt qu'il contestait il devait rémunérer un charlot qui ne se faisait pas payer avec des pièces jaunes.

Mais l’objet de ces quelques lignes n’est pas de pleurer sur l’incompétence dont sont victimes chaque années des dizaines de milliers de justiciables pourtant contraints, en matière civile notamment de se faire représenter par un avocat.

Il y avait 29000 avocats en 1995. Il y en a aujourd’hui 68 000 soit un doublement en 20 ans dont 28000 à Paris !. Le gâteau des affaires n’a pas augmenté pour autant du fait de la stagnation économique mais aussi parce que les divorces, qui constituaient quand même une partie importante de la gamelle peuvent être réglés de manière plus simple.

Malthus y verrait une confirmation à posteriori du Banquet qui l’a rendu célèbre, lui le pasteur à la charité chrétienne plus que douteuse. Ainsi Me Benedicte A, avocate lavalloise  a-t-elle vu tomber la sanction de son incompétence répétée : son cabinet a été mis en liquidation judiciaire.

Une bonne partie des avocats végète avant de quitter la profession mais ils sont remplacés par d’autres car le ventre est fécond qui nourrit non pas la bête immonde mais le parasitisme..

Tout cela n’est jamais qu’une des illustrations de la dérive dans laquelle s’inscrivent nos sociétés et nos économies depuis les années quatre-vingt.

A cette époque, les pays dits développés entrent dans une phase caractérisée par trois éléments :

- un processus de désindustrialisation lié à la concurrence des pays dits émergents dont les coûts de production sont plus faibles ; le tout encouragé par l’OCDE et la Commission européenne au nom des vertus du libre-échange

-un chômage croissant auquel on répond soit par des politiques brutales de paupérisation (Thatcher, réformes Harz en Allemagne…) soit par des solutions d’assistanat qui vont pourrir le système social.

-la poursuite d’une montée en puissance du système éducatif lié aux trente glorieuses avec à la clé un ascenseur social que les couches dominantes vont chercher à bloquer par des moyens divers comme les discriminations positives ou la parité

Ce qui se passe ensuite est le produit de la conjonction de ces trois phénomènes. L’université va servir de gardiennage et de solution de parcage pour les catégories populaires et leurs rejetons tandis que les couches dominantes privilégient les grandes écoles et leurs réseaux . Hors les facs de médecine soumises au numérus clausus , on a donc explosion du nombre des étudiants (en raison de l’explosion du nombre de bacheliers) et du nombre de diplômés.

L’université sert à masquer une partie du chômage : pendant que le titulaire du bac pro qui peine à écrire en français est inscrit en première année de socio, il ne pointe pas à Pôle emploi. Il y a plus :si le premier cycle universitaire continue peu ou prou à jouer son rôle de sélection, le troisième cycle joue clairement le rôle d’un sas dans lequel on stocke les chômeurs. Il existe un contrat tacite : les étudiants attardés justifient ainsi la fonction et le traitement des enseignants qui leurs décerneront un titre ronflant pour le prix de leur assiduité : pas grave : ce sont les familles qui paient pour des diplômes illusoires.

Seulement, la réalité est cruelle et les titulaires de diplômes sont rattrapés par la loi impitoyable du marché.

Les facs de droit ont-elles multiplié par trois ou quatre le nombre de diplômés que l’économie n’en a pas besoin. L’ajustement se fait alors de deux manière :

-par dévalorisation à l’entrée : le diplômé doit accepter un emploi bien en dessous de ses compétences théoriques : bon nombre de gardiens de prison sont aujourd’hui diplômés de l’enseignement supérieur !

- par prolétarisation lorsque l’entrée n’est pas soumise à numérus clausus  ou que le coût d’installation n’est pas dissuasif  et que joue la cruelle loi du marché : c’est le cas des avocats. Les architectes ne sont pas mieux lotis. Les notaires qui constituaient une profession ploutocratique ( on pouvait être un parfait idiot collé en première année de droit et devenir notaire si papa achetait une étude) ont partiellement échappé à ce triste sort.

S’agissant des avocats qui n’étaient déjà pas ( hors exceptions) la crème qui sortait des facs de droit, il faut ajouter qu’il existe des éléments aggravants : confrontés  à la perspective peu réjouissante de se voir proposer en entreprise un travail et une rémunération manifestement pas à la hauteur du mirobolant diplôme qu’ils ont en poche, nombre de chercheurs d’emplois doivent préférer « tenter leur chance » en devenant avocat et différer ainsi le passage sous la guillotine de la loi du marché.

Le résultat ne se fait pas attendre : selon Anaïs de la Pallière ( voir le Point 28/4/2019) 30% raccrochent la robe au bout de dix ans. A tout le moins ont-ils plus de chance que Me Benedicte A. précitée qui voit son cabinet liquidé quand elle a la cinquantaine passée .

Car faut-il vraisemblablement ajouter que les gros cabinets peuvent jouer la carte de la spécialisation qui permet de développer des compétences quand des entrants plus jeunes n’ont d’autre choix que de prendre ce qui passe…

Il ne s’agissait pas de pleurer sur le sort de la profession. Et ce d’autant que ce sont les classes moyennes écartées de l’aide judiciaire qui sont invitées à payer pour le manque à gagner des commissions d’office ! 1500 euros à minima pour traiter une affaire par-dessus la jambe c’est quand même plus que le SMIC.

Non ! la misère des avocats (ni Dupont Moretti ni la mère Lepage ne se reconnaitront) c’est d’abord le produit de la dégénérescence de nos économies.