CONSIGNY OU SIGNE CON

   Dans Le Point de la semaine dernière, un certain Charles Consigny, coutumier de saillies bien trempées dans l’encre d’un conservatisme sans complexes, s’en prend , dans un article intitulé « La liberté rime avec la discrimination » à deux députés socialistes coupables d’une proposition de loi contre les discriminations dont seraient victimes les «  minorités visibles », formule qui a dû être inventée par quelque communicante émargeant au budget du politiquement correct, le seul qui soit épargné par la rigueur. Il s’en prend aussi à Libération qui a prêté sa bauge pour l’occasion , comme si on avait besoin de lapider une chaise percée.

Notons de manière liminaire que quand on porte un patronyme et un prénom qui devrait vous conduire tout droit à devenir conseiller à la Cour du Roy, que quand on déplore , semaine après semaine, la dégradation des bonnes manières , il serait bon de s’exprimer en français. A tout le moins, eu égard au jeune âge de Charles Consigny qui en fait une victime de l’éducation nationale en perdition, devrait il demander une relecture préalable à Luc Ferry ! Mais là n’est pas l’essentiel.

 

Consigny est bon prince : il est Consigny et pas Guizot : aussi n’a-t-il rien contre une redistribution raisonnable des richesses. La manière dont il l’écrit est d’ailleurs touchante : quand il soupçonne que certains peuvent avoir accumulé des richesses par « malice » et non en raison de leur contribution réelle à l’économie , on se croirait volontiers renvoyé au dix –neuvième siècle dans une scène où l’abbé du château expliquerait devant une dizaine de dames patronnesses qu’il faut aider les pauvres s’ils sont méritants à la condition qu’ils aillent à la messe. On sent, derrière le propos, qu’il n’est pas loin d’avoir, quelque part sur sa table de nuit, une image d’Epinal dessinée par quelque auteur ultra-libéral dans laquelle l’ouvrier discute avec son patron, d’égal à égal, du niveau de son salaire et de sa productivité marginale, les deux finissant par se mettre d’accord à la grande satisfaction de chacun !

Consigny n’a pas tort de dénoncer cette « égalité égalitaire morbide » qui conduit au « nivellement par le bas ». Mais il le dit de manière si grotesque qu’il en perd tout crédit : « Ce n’est pas une société égalitaire qui a fait le raffinement français » (sic) « Ce n’est pas une société égalitaire qui a fait nos grandes œuvres » (sic)

Pardi ! Aristote savait déjà que pour qu’il puisse être philosophe, il fallait des esclaves pour lui amener de quoi manger ! La période franque est sans doute la plus discriminatoire ! On ne paie pas la même amende selon que l’on a tué un Franc ou un Gallo-Romain ! On ne peut pas dire que cette période passe pour avoir été une ère de progrès économiques et sociaux ! Mais, pour Consigny, les seules choses qui valent progrès  se passent à la Cour !

Consigny n’a pas tort de désigner cette grotesque dérive qui fait qu’on détruit des emplois pour assurer l’accès aux handicapés, qui fait que demain on trouvera sans doute injuste qu’il n’y ait pas d’épreuve de rap à l’agrégation de philosophie ou qu’il n’y ait aucun autiste à l’académie française. Pour les mongoliens, le risque est moins grand puisque les diagnostics précoces ont conduit à leur élimination progressive. Le politiquement correct a quand même ses limites ! not in my backyard !

Mais Consigny a des œillères : celles d’un conservatisme maladif qui lui interdit de voir la réalité car celle-ci le dérange. La Révolution française et la Troisième République avaient su trouver la synthèse entre l’égalité et la discrimination : c’était l’élitisme républicain fondé sur le mérite.

Cette manière de faire qui a, effectivement, fait de la France un modèle en Europe, agonise.

Il agonise, car il était devenu insupportable pour les « élites » qui nous gouvernent. Derrière l’élitisme républicain, il y avait l’ascenseur social ; celui qui a permis aux enfants des classes populaires de connaitre la promotion par le diplôme et non pas par les affinités liées à la position sociale.

Tout a commencé timidement par la remise en cause du concours dans la fonction publique territoriale notamment : il fallait que nos chers élus puissent recruter leurs petits copains et leurs copines. Mais c’est avec la parité que l’offensive est vraiment lancée. Les idiots utiles et autres ânes crétinisés qui s’esbaudissent devant une si belle invention oublient que la parité est d’abord un moyen de reprendre la donne dans la distribution des cartes. En écartant les hommes en surplus on a toutes les combinaisons possibles pour faire entrer ses copines mais aussi le petit copain que la promotion au mérité avait laissé sur la touche.

Si la parité homme femme existe, pourquoi les minorités visibles ou invisibles devraient-elles ne pas s’engouffrer dans la brèche. C’est précisément ce qui est en train de se passer. C’est le « mariage pour tous »

On n’a pas encore franchi une étape : celle où les animaux ayant quand même du mal à écrire un article dans Libération (même si c’est une étable !) on trouvera des représentants des animaux réclamant de pouvoir voter pour eux, voire que Cunégonde Fouassier puisse épouser son chimpanzé  ou son berger allemand !!!

Je précise, au passage que l’on trouvera sur ce site un article intitulé « la révolution paritaire » que j’ai écrit en 1996, soit il y a 17 ans !

http://kelenborn.e-monsite.com/pages/nouvelles-1/la-revolution-paritaire.html

Consigny ne voit rien et il ne voit rien car il ne veut pas voir que dans cette affaire, la droite dite de gouvernement est tout autant gestionnaire de l’Etat Abstinence dans sa mission de liquidation de l’Etat républicain que peut l’être la gauche de gouvernement. La droite a fait la fine bouche sur la parité;  elle a vite compris le parti qu’elle pouvait en tirer. Quand la gauche recrute Désir et Taubira, la droite recrute Yade, Dati et Amara : entendons-nous bien : les qualités des uns et des autres ne sont pas en cause mais l’opération est bien perçue comme l’affirmation d’un droit des minorités visibles à une discrimination négative vis-à-vis de l’ »Homme blanc » Le poison inventé avec la parité continue à infuser : Puisque le mérite républicain est désigné comme injuste, pourquoi se priverait on de réclamer réparation en tant que victime auto-proclamée pour le plus grand bénéfice de la camarilla qui nous gouverne et peut refaire la distribution des cartes ?

 

Ce n’est pas Consigny , c’est signé Con !!!!!!