SEIZIEME LETTRE DE ZAZUBIE A LA MARQUISE

                SEIZIEME LETTRE DE ZAZUBIE d'ALDEBARAN A LA MARQUISE QUEFOUILLE MISSILNAIS

              "la mère Levy et les plumeuses"

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                     SEIZIEME LETTRE DE ZAZUBIE

                           D’ALDEBARAN

          A LA MARQUISE QUEFOUILLE -MISSILNAIS

 

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Ma marquise bien-aimée,

 

 La plus grande nervosité règne ces jours-ci à la Cour et la basse –cour de Zazubie.

Comme je vous l’avais dit, le notaire Grapillon qui avait envoyé sur la paille de leur suffisance le Comte Nabozy et le Duc de Bordeaux, se voyait, telle Perette portant son pot au lait à la ville, succéder au sinistre Uburinegaga dont l’agonie ne finit pas de terminer. C’était sans compter sur un flibustier de Merdialand, qui se fait passer pour un palmipède et qui loin de servir de trophée au premier Tartarin venu se vante d’avoir eu la tête de bon nombre de prétentieux dont le rêve d’Icare s’est terminé dans les latrines de l’Histoire.

Le volatile redouté a volé dans les plumes du notaire Grapillon, lequel a du troquer son austère costume de notaire un peu rassis pour celui de Tartuffe. Il est vrai que le personnage avait un peu tenté le diable, comme tous ceux qui agitant crucifix et bréviaire, chantant cantiques et s’aspergeant d’eau bénite veulent cacher au commun des mortels, non qu’ils coquinent avec Satan (n’allons pas jusque la) mais qu’ils prodiguent d’autant plus facilement la charité qu’ils s’en réservent les bénéfices.

Pensez donc ! La femme  Grapillon , répondant au nom de Penelope, comme la très fidèle compagne du grand Ulysse, se devait être aussi irréprochable que la femme de César. Et ce d’autant qu’une fois élu, le notaire avait promis les affres des arènes et la dent des lions les plus féroces à ceux qui se livraient au péché de paresse.

Il faut croire que les talents de Penelope étaient immenses puisque le notaire la rémunéra environ trois fois ce que pourrait espérer une personne de basse condition accomplissant le même travail. Et le pire est que l’on soupçonne notre vertueuse vestale de ne point avoir travaillé sinon dans sa cuisine pour confectionner des confitures. Et je vous passe sur les autres aspects de cette affaire, le notaire étant accusé d’avoir utilisé le produit des impôts pour se remplir les hauts-de-chausses.

Les libertins qui n’ont aucune morale peuvent, dans certaines limites, donner des coups de canif à la loi de Dieu. Ceux qui se proclament saints devraient s’en garder. C’est pourtant ce que notre notaire aurait fait. Somme toute, le notaire, fou, dit-on, de voitures et autres bolides s’est misérablement embourbé avec son pauvre carrosse et a manqué la représentation du Tartuffe de monsieur de Molière, laquelle lui eût sans doute appris, que de même que la Roche Tarpéienne est près du Capitole, Tartufillon est aujourd’hui  à Tartuffe ce que Romulus Augustule fut à Auguste !

Et voila que, chose inusuelle c’est Erzebeth qui a enfourché la première sa monture pour appeler à la croisade, non contre notre notaire mais contre les sanguinaires dénonciateurs, les mouchards, les rapaces et autres vautours, les charognards de toutes espèces qui s’en prennent à lui. Comme si les charognards s’en prenaient aux croquemorts ! Mais, derrière son cheval, se sont rangés nombre de grands du Royaume , que l’on aurait pu soupçonner d’avoir pactisé avec Satan mais qui , du coup,  sentirent monter en eux la grâce porteuse du message divin ! Il fallait sauver le révérend père Grapillon, qui aurait sans doute  été lui-même surpris de se voir proposer à la canonisation.

Rien n’a semble-t-il arrêté les courtisans toujours prêts à se déculotter dès que la souveraine manifeste le moindre caprice, prêts à manger leur chapeau si elle devait décréter que le feutre de ces derniers calme les crises d’incontinence

 

 « Chapeau bas devant la casquette » chantaient les roturiers enivrés par  du mauvais vin sans douté dérobé au tonneau de Diogène, culotte basse devant la soutane, entonne désormais Erzebeth. La voila qui dénonce les « tricoteuses » qui, sous la guillotine hurlaient à la mort en attendant de tremper le mouchoir dans le sang du condamné !  Hélas !Point de tête qui tombe dans le panier cependant : juste un vieux notaire grigou fâché d’avoir été surpris pillant un tronc d’église, point de sang sinon celui du canard que la souveraine s’emploie à plumer avec d’autant moins de talent qu’elle n’a pas plus la pratique de ce travail que Penelope ne sait taper à la machine ! Encore heureux que pour tuer le canard, elle n’ait pas demandé au comte Frankencroute de tirer sur les deux pattes du volatile, en même temps que tirant sur sa tête, elle lui aurait coupé le coup avec une scie !

Ah, notre Reine Erzebeth qui dit partout voir venir la révolution ferait bien de faire des provisions de brioche pour le jour où elle sera jetée dans un cachot avant d’aller sur un bûcher, tandis que le père Grapillon chantera des cantiques pour le salut de son âme.

Tout cela a semé un grand émoi à la basse cour. Un groupe non négligeable de dindons (que le notaire envisageait pourtant de farcir) a crié au régicide. Et c’est peu dire qu’on est surpris qu’au regard de leur émoi, ils n’aient pas appelé à l’organisation de quelques processions  de repentance, ou qu’ils n’aient pas proposé que le 21 janvier, anniversaire de la mort de ce pauvre Roy Louis, ne soient organisées des vêpres en mémoire au martyr du Père Grapillon. Ils se sont vautrés dans tant d’excès verbaux qu’on en est venu à se demander s’ils n’avaient pas vidé le tonneau de ce pauvre Eugene.

Forenrut  avait pris la tête de cette nouvelle croisade des dévots prêts à offrir leur vie pour défendre le saint coffre-fort du notaire. Il ferraillait sur tous les fronts, portant le glaive contre la bête merdiatique et les suppôts de Satan qui la défendent. Mais il n’était pas le seul : il fallait voir la Canse, véritable Jeanne Hachette au talent oratoire de poissonnière, pourfendant les partisans du Macron de Carabas ! Mais elle avait fort à faire tant, dans le camp ennemi, la duchesse d’Arbois portait haut l’étendard de son nouveau Roi. Cette donzelle fait preuve d’une remarquable énergie pour clouer le bec des misérables pingouins qui l’assaillent, et c’est bien d’ailleurs ce qui tempère le caractère de ses victoires ! A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire !

Je ne vous dirai donc rien de la piétaille des prolétaires  de la cervelle, ceux qui n’ont que leur crâne pour emprisonner leur vide ! Mais ils ne sont après tout que le miroir de cause défendue !  Forenrut est le plus fort en gueule et entraine dans son sillage une horde d’illettrés et de sans-dents du savoir qui braillent à son signal. Le plus insupportable est sans doute un certain Groschient qui semble avoir été conçu par le Tout-puissant pour combattre la paresse. Il suinte en effet tant l’ennui que la fuite dans le travail ou l’occupation la plus futile restent le moyen le plus sûr d’échapper à ses assommantes péroraisons ! Il serait capable d’éteindre les rires d’une bande de poivrots en goguette,  capable de conduire les candides pensionnaires d’un séminaire à se défroquer  tant, persuadé qu’il est de porter la parole de l’évangile, il donne à penser que le paradis doit être un lieu de pénitence.

 

Cette pitoyable guerre picrocholine cache cependant une réalité bien plus navrante. Si Erzebeth semble prise tout à coup d’une sorte de danse de Saint Guy et se découvre des causes dont la noblesse échappe à beaucoup, certains se demandent si son agitation ne tient pas à un désir de masquer l’affadissement continu et peut être inexorable de la Cour. Il faut que la reine paie de sa personne pour intéresser le petit peuple, car, en son absence, ce sont de seconds, voire des troisièmes couteaux  et je ne compte pas les sabres de bois qui sont en charge défendre la raison d’être du Royaume.

La reddition en rase campagne  aux argument du Tartufion qu’est ce notaire serait il le prélude à une reddition plus grande encore ? Certains le susurrent, affirmant même que s’il y a un complot contre le notaire venant de Merdialand voire du Palais, il serait bien possible que le petit Royaume ait aussi son Iago.

Un Iago un peu gras à la panse météorique ?

 

 Ma chère Marquise, je vous envoie mes baisers et me languis de vous

 

 

Plumeuses

 

Martin Kelenborn