La crise et la mise sur orbite de sous-developpement durable de l'économie européenne

 

 

                                                      LA CRISE ET LA MISE SUR ORBITE DE SOUS-DEVELOPPEMENT

                                                                        DURABLE DE L'ECONOMIE EUROPEENNE

 

 

 

Capital a publié un très intéressant numéro spécial intitulé «  l'état du monde 2009 »

 

L'enquête s'ouvre sur une interview de Patrick Arthus qui affirme que la « croissance soutenue » (sic) des pays riches dans les dix dernières années a été due à l'endettement croissant des ménages qui aurait apporté 1,25 points de PIB annuel aux USA , 1,5 au Royaume Uni et même 2,5 points en Espagne. Ainsi les Espagnols sont endettés à hauteur de 125% de leur revenu annuel, les britanniques de 140%.

 

On peut, sans doute, et sans trop prendre de risques excessifs rapprocher ces faits de ceux d'autres pays comme la, France où la croissance de la dette publique n'est jamais qu'un endettement par procuration qui a permis aux classes moyennes non exposées à la mondialisation de préserver leurs revenus.

 

Certains, comme Rocard, comme Bernard Marris ( quand ce dernier ne délire pas trop) ont un raisonnement keynésien consistant à attribuer la crise à l'insuffisance de de la demande due au fait que le partage des revenus s'est fait en faveur du capital. Mais les rentiers ne consomment pas et c'est d'ailleurs pour cela que Keynes voulait les euthanasier !

 

Or Arthus a une vision que l'on peut situer aux antipodes :à la question de savoir sur quel modèle peut se fonder la croissance future il répond :

«  On peut aussi le baptiser ( NDLR-le modèle de sortie de crise ) modèle anti-fordiste. Il se caractérise par une profitabilité des entreprises fondée non pas sur l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés et de la demande des ménages ;;; mais sur la compression des coûts et la conquête de nouveaux marchés grâce à l'innovation et à l'amélioration de la productivité.(...)Il faut tordre le cou à la vieille idée de gauche reprise par Nicolas Sarkozy selon laquelle, pour favoriser l'offre, il faut stimuler la demande. Voyez ce qui s'est passé en Espagne, en Italie, en France ou en Irlande : la stimulation de la demande n'a entrainé aucune amélioration de l'offre . Elle a simplement augmenté le volume des importations. »

 

Lorsqu'on objecte à  P Arthus que les USA qui ont fait de gros efforts dans le domaine de la recherche technologique ont un déficit commercial abyssal, il répond :

 

« Les apparences sont trompeuses : aux USA, l'effort de recherche ne porte pas sur l'ensemble des activités industrielles. Si l'Amérique est leader mondial des hautes technologies, elle souffre d'un manque de recherche et d'innovations dans beaucoup de secteurs traditionnels. La part de son industrie dans le PIB est ainsi passée de 30% à 14 % en trente ans. Toutes proportions gardées,la France est un peu dans le même cas(...) d'ailleurs l'excédent commercial américain dans le high tech ne représente qu'un demi-point de PIB à comparer aux 7 points de PIB de déficit commercial sur tous les biens manufacturés »

 

Et il enchaine :

 

On sait que les emplois de services se développement en grand nombre dans les économies où la production industrielle à forte valeur ajoutée est importante et apporte des revenus souvent confortables à la classe moyenne. Les grands pays qui ne produisent pas de biens manufacturés créeront donc moins d'emplois de services que les autres et ils seront en outre inévitablement confrontés à un problème de financement de leur déficit extérieur . Avec le déclin économique au bout du chemin.

 

Et il termine :

 

En résumé, nous sommes en train de changer de monde : c'était jusqu'à présent la demande américaine qui stimulait les exportations des pays émergents et favorisait le rattrapage de leurs économies ; demain c'est la demande des pays émergents qui sera le moteur de la croissance des pays riches. Bref, le consommateur va changer de camps, il sera chinois et non plus américain.

 

A ce stade, faisons le point :

 

  1. Pendant des années, les chantres de la mondialisation ( Lamy, Mendelson et comparses) nous ont rabattu les oreilles en expliquant que les tenants du protectionnisme et les adversaires de la mondialisation étaient non seulement d'affreux conservateurs mais aussi et surtout des ânes : si les pays développés perdaient leurs industries, d'abord textiles puis sidérurgiques, automobiles, chimiques etc... lesquelles avaient des emplois mal payés car à faible valeur ajoutée, employaient une main d'oeuvre non qualifiée ( raison de ce qui précède) et comble d'horreur étaient incompatibles avec la santé de nos poumons et les petits oiseaux, elles étaient remplacées par des activités high tech ou de services bien mieux rémunérées ( d'ailleurs voyez combien gagnent les ingénieurs, les banquiers , Mr Minc et Mr.Seguela..

 

Superbe raisonnement qui était d'ailleurs provisoirement étayé par l'afflux de biens à prix dérisoires : jeans à 10 euros chez Carrefour, Hifi et informatique à la portée de la plus petite bourse ! Vacances de rêves à la portée du moindre retraité « tamalou »

Les salaires ne suivaient ils pas que l'on pouvait s'endetter sans crainte puisque tout cela allait continuer à baisser. Quand aux achats de biens locaux (comme l'immobilier) les prix allaient continuer à grimper et le tour était joué. Le patrimoine grossit et les chinois nous vendent à pas cher !

 

A un détail près qu'évoque Arthus : les chinois et autres indiens n'ont peut être pas envie de dépenser 100 000 SMICS locaux pour payer les idées géniales d'Alain Minc , la communication de Seguela , le dernier tube de Johnny Halliday ,le sourire de Miss Maff ou plus prosaïquement la garde des gosses réalisée par l'assistante maternelle ! Dit plus simplement , une économie de services n'est pas, sauf exceptions une économie exportatrice. Le Royaume uni , qui a saccagé son industrie a un déficit commercial de 98MM de dollars en 2007, l'Espagne qui s'est engagée sur la même voie de 94. L'Allemagne, qui reste une puissance industrielle a un excédent de 236 Milliards.

 

La suite peut être aisément décrite : les zones qui accumulent des déficits voient leur monnaie se déprécier. Ceci peut être freiné un temps quand la monnaie sert de monnaie de réserve ( cas des USA qui peuvent vivre à crédit) ou quand des investissements ou placements sont réalisés dans le pays (mais fait on durablement cela dans un pays dont l'économie est peu attractive ?),

Le taux de change de la monnaie définit notre pouvoir d'achat vis à vis du reste du monde . Si le cours s'élève comme cela a été le cas de l'euro le pétrole coutera moins cher, s'il s'abaisse on paiera plus cher les produits importés. Dans le même temps les prix des produits des pays émergents augmentent en raison de la hausse des salaires. Ils sont peut être moins compétitifs mais cela n'a plus d'importance si notre industrie a été dévastée : on continuera à acheter les chaussures chinoises puisque plus personne ne fabrique des chaussures chez nous. Finis bientôt les voyages des « tamalous » ce d'autant que la crise de l'économie aggrave la crise des finances publiques et qu'il faut baisser les revenus de transfert comme les retraites.

 

2.Si on veut vendre aux pays émergents, pour tirer la croissance comme le préconise Arthus , il faut leur proposer des produits qu'ils seront prêts à acheter quand bien même ils restent chers :

 

 

Or, il y a une première objection : on conçoit très bien que les chinois nous achètent du Champagne ou du Cognac, ce qu'ils font déjà car on ne peut produire ni l'un ni l'autre dans le Yunan ! Pour les sacs Hermès, il y a déjà la contrefaçon mais c'est plutôt pour nous les revendre. S'agissant des Airbus ou de notre inimitable TGV , il y a fort à parier que des pays qui sont capables d'envoyer des gens dans l'espace ont aussi la technologie, les ingénieurs et les capitaux pour les fabriquer eux mêmes !D'ailleurs les entreprises ne délocalisent elles pas leurs traitements informatiques à Bangalore ou Bombay ? Tiens !!! mais ce sont des services !!!!

 

Il y en a une seconde qui retoque sans pitié , de Sarkozy à Arthuis en passant par tous les Pères la Morale de l'UMP (ou du PS qui n'ont pas encore rejoint l'UMP) ceux qui pensent que les 35 heures ou le Smic trop élevé sont la source de nos malheurs !Selon Capital, le coût salarial horaire est de 41 dollars en Allemagne(laquelle a l'excédent commercial que l'on sait), de 33 $ en France et de 29 aux USA (il est possible que les calculs n'aient pas été corrigés de l'appréciation de l'Euro) et de 0,82$ en Chine !!!Même si l'on doit tenir compte des différences de productivité doit on diviser le SMIC par trente pour pouvoir vendre des chaussures aux chinois ? Oui répondrait Jean -Marc Sylvestre sans sourciller mais... quand même pas le salaire que lui verse TF1 !

 

En clair, même si on travaillait beaucoup plus pour gagner beaucoup moins, cela ne suffirait pas à rééquilibrer les différences de coûts.

 

Il en résulte qu'entre un avantage technologique dont on a du mal à voir de quelle nature il est et la réalité des écarts de coûts on a quelques difficultés à voir se dessiner le scénario décrit par Arthus !

 

 

3 Il est autre chose que l'on voit en revanche très bien et qui est dessinée en filigrane dans les propos de l'auteur. : jusqu'à cette crise on pouvait considérer que les sociétés riches se divisaient en trois groupes :

  • les « prolos » exposés directement à la mondialisation, dont l'emploi est en sursis auxquels il conviendrait d'ajouter des catégories d'actifs dont les revenus doivent s'ajuster à la précarité de ces gens (caissières des supermarchés, salariés de l'agro alimentaire etc …)

     

  • A l'autre bout , une minorité de nantis, soit que leurs revenus sont directement issus de la mondialisation de l'économie(qu'importe si le dividende est produit à Shenzen ou Bangalore)soit qu'ils sont les thuriféraires. ou les cireurs de pompe des précédents et qu'ils en reçoivent la sportule

     

  • Au milieu ce que l'on appellera par commodité la classe moyenne qui se caractérise à la fois

    . Par sa composition : fonctionnaires , cadres et employés des secteurs privés non exposés, commerçants et professions libérales dont les revenus sont dépendants de la dépense globale que garantit l'ensemble du système.

    .Par sa situation financière : elle conserve un pouvoir d'achat relativement garanti grâce à la triple protection constituée par la baisse des prix des produits importés ( gain lié au massacre des emplois dans le secteur exposé), l'endettement personnel ( fondé comme on l'a vu sur une anticipation jusque la positive de la croissance de son patrimoine)et l'endettement public ( qui fait que l'Etat a préféré payer des fonctionnaires plutôt que de les licencier ou encore augmenter les honoraires des médecins en mettant en déficit la sécu ).

 

Tout cela est réalisé avec beaucoup de cynisme, le pouvoir politique allié des nantis ne souhaitant pas prendre de front la majorité de la population et les classes moyennes trouvant quelque avantage au sort qui leur est fait , oubliant qu'elles vivent sur le dos de ceux qui subissent les délocalisations et, ce qui est plus ennuyeux ,oubliant , le plus souvent, que leur tour va venir.

 

Faut il ajouter que tout cela ne peut fonctionner qu'avec un savant camouflage idéologique dans lequel le pouvoir politico-mediatico-financier ( pour reprendre la thèse évoquée par un des personnages « d'Etat d'Urgence » de Michael Crichton) joue un rôle de premier plan. Pour les français que nous sommes , c'est un discours à deux voix : Europa et Gaia.

 

Europa d'abord : on connait le discours puisqu'on nous sert et ressert abondamment la soupe depuis des années et pour peu que nous la vomissions, il y en a encore : l'Europe espace de paix pour les générations passées, espace de prospérité pour les générations futures, rempart contre tous les dangers et phare avancé de la civilisation.

 

Sans ressortir toutes les pièces à verser au dossier du procès restons en à ce que nous dit Capital

 

PIB : Même si on peut être plus que dubitatif sur de tels calculs il n'est pas sans intérêt de noter que le PIB des 4 plus grandes puissances européennes (Allemagne, France, R Uni, Italie) s'élève en 2007 à environ 10 700 milliards d'euros à comparer avec les 13800 milliards des USA . Prévision en 2050 selon Capital : 18500 Milliards pour les 4 contre 37 000 pour les USA !!!! Le rapport passe de 1,2 à 2 pour les USA !

 

La part des salaires dans la valeur ajoutée, qui est quand même un carburant déterminant pour le moteur de la croissance qu'est la consommation a baissé aux USA de 73,8% en 1975 à 70% en 2006. Normal , aux USA , tout est fait pour les riches. En Europe les chiffres sont respectivement de 67,5% et 57,7% ( 10 points en moins) Bravo le modèle social européen.

 

Que ce soit en matière de recherche ou d'investissements étrangers l'Europe est à la traine !

 

Enfin n'hésitons pas à provoquer : le développement des cultures d'OGM est passé de 1,7 millions d'hectares en 1996 à 114,2 millions en 2007. 50,5% sont américaines et 17% argentines. Ne cherchons pas la part de l'Europe : elle est noyée quelque part dans le “reste du monde”qui émarge à moins de 5% !!! Rendements plus élevés , coûts moins élevés mais on s'en moque : nous on a le bio et la Commission européenne s'apprête à adopter des règlementations qui vont abaisser les rendements de 50% selon des experts italiens !

 

Vive l'Europe qui va enfin illustrer ce que Marx n'avait jamais obtenu du prolétariat : la paupérisation absolue !

 

 

Venons en Gaïa : en bon larbin du pouvoir Vert, Capital reproduit docilement les clichés et escroqueries dont on est désormais coûtumiers.

Une courbe de Man ( celle qu'exhibe Gore) montrant la hausse effrénée des températures . En oubliant que cette courbe est fausse, non seulement dans sa forme mais dans les commentaires puisqu'elle omet de préciser que lors de l'optimum médiéval (an 1000), les températures sont plus élevées qu'aujourd'hui, que depuis 1998 les températures n'ont pas augmenté et qu'à compter de 2007 elles ont même baissé. Sans mentionner mais la ce serait vraiment trop demander que toute comparaison est délicate puisque les relevés n'ont pas été faits dans les mêmes conditions dans le passé !

S'y ajoute une courbe venue du diable vauvert, montrant une augmentation des catastrophes naturelles depuis 1970, courbe dont on sait qu'elle est totalement fantasmagorique et qu'elle doit plus reflèter l'excitation de petits journalistes merdiques pour lesquels l'annonce du malheur est un précieux palliatif à leur indigence intellectuelle.

 

On y apprend aussi qu'un terrien sur trois meurt prématurément à cause de la mauvaise qualité de l'air qu'il respire ou de l'eau qu'il boit. Comment alors expliquer que l'espèrance de vie des français est la plus élevée en …. Ille de France !

 

De même un quart de la faune a disparu depuis 1970 ! !! alors même que l'on est incapable d'évaluer le nombre d'espèces vivantes et donc, faute de dénominateur connu de calculer quel pourcentage a disparu

 

Bref, du travail journalistique de haute facture ! Il est manifestement plus dangereux de nier les crimes contre l'humanité commis il y a soixante ans que de dénoncer des crimes imaginaires où la victime est toujours en bonne santé et l'assassin de fait inexistant.

 

On y apprend cependant que chaque français rejettait en 2004 6,2 tonnes métriques de Co2, l'allemand 9,8 comme le sujet de sa gracieuse majesté, le norvégien 19,1, l'américain 20 et le koweitien 40. Que les français se rassurent ! Derrière eux il y a le chinois : 3,9 et l'indien 1,2 qui sont quand même en train , la aussi de nous rattrapper.

 

Pour autant, ce sont les vertueux européens qui vont sacrifier leur économie pour sauver la planete en réduisant les émissions de CO2 qui , au passage doivent représenter 0,3% de la totalité de l'air et qui sont de manière plus qu' hypothètique à la source des changements climatiques qu'a connus la Terre.

 

Le spectacle qu'offrent les hommes politiques face à la crise est en effet surréaliste. On s'affronte pour savoir s'il faut relancer par la consommation ou l'investissement et ce pauvre Alain Duhamel , qui à force de manquer d'oxygene le matin sur RTL finira par nous piquer un infarctus nous démontre que le plan Sarkozy c'est bien sauf qu'il n'y en a pas assez !

 

Pas assez c'est clair quand on compare 26MM d'euros aux 1000 milliards de dollars d'Obama mais il y a une différence radicale : chez nous les caisses sont vides et la relance creuse la dette. Les USA s'en moquent car contrairement à ce que racontent les Cassandres de tous bords le monde leurs fait crédit.

 

Pas de relance par la consommation qui se traduit par un flux d'importations car nos économies sont

peu compétitives et dévastées, mais par l'investissement. Oui mais quels investissements ?: des éoliennes payées par le contribuable qui renchérissent le prix de l'énergie et nécessitent des centrales d'appoint fonctionnant aux énergies non renouvelables, des crapauducs qui vont incontestablement améliorer le pouvoir d'achat des pauvres ? Rien sur les innovations permettant de sortir par le haut de la crise énergétique comme le moteur à hydrogène, rien qui soit structurant et porteur de croissance future.

 

Ne nous y trompons pas : la crise financière n'est que le détonateur de la véritable crise qui tient plus quant à elle de la tectonique des plaques. Quand cette crise sera passée il y aura des gagnants : la Chine et l'Inde au premier chef et un grand perdant : l'Europe. Il faudra alors commencer à tailler dans les revenus des catégories jusque la protégées pour payer une dette accumulée en pure perte.

Il restera la Tour Eifel, le Cognac , le Champagne et quelques petites choses encore que la commission européenne n'aura pas encore dévastées. Dans sa course à la fumisterie du développement durable, l'Europe aura gagné le sous-développement durable.

 

Martin Kelenborn