LA PANSE VERTE
La mal bouffe il ne faut pas seulement critiquer
mais qu'il s'agit de merde , il faut le démontrer
C'est cela qu'avec force clamait José Bové
De retour d'un fauchage aux trois quarts éméché
On sait que dans le temps de Jean de la Fontaine
On n'allait pas jusqu'à se donner tant de peine
Le rat des villes un jour reçut le rat des champs
Et lui offrit dit on un repas succulent
Qui se termina mal mais c'est une autre histoire
Hier comme aujourd'hui la vie a ses déboires
Cette modeste histoire montre que les couillons
Peu importe l'époque, forment une légion
Car les temps ont changé , et notre rat urbain
Chaque jour se lamente de ressentir la faim
Tant la bouffe qu'on lui donne est d'essence diabolique
remplie de pesticides et de produits chimiques
Il importe que demain du cœur les restos
Garantissent à chacun le droit de manger bio
L'élite il faut convaincre que ce combat est beau
Et aux fruits du terroir faire goûter les bobos
C'est ainsi que Bové invite à festoyer
Ses copains écolos victimes du mal-manger
Ces pauvres banlieusards qui n'ont comme solution
Que choisir leur cancer chez Mac do ou Champion
Allons réunissons les Gavroches, les Cosettes
Celles du 93 ; Huguette et puis Zezette
La première réfugiée climatique du Jura
La fonte des électeurs l'ayant chassé de la
La seconde ayant du s'envoler aux Maldives
Faute de pédalo pour atteindre leurs rives
Et du 75 il faudrait Sinistros inviter
Pour qu'à la décroissance il puisse enfin goûter
Et puis il y a bien sûr toujours incontournable
Goupil le Rouquin maître des tours pendables
Ce dernier est ravi mais au dernier moment
Dit qu'il doit en urgence passer à Montauban
Dans sa ville natale il a un vieux copain
Qui a de sa visite comme un urgent besoin
Mais qu'à cela ne tienne, notre brillant trio
Pour s'y rendre remonte le Tarn en pédalo,
Zezette a dans son sac mis un gros tuperware
Pensant que du festin resteront quelques parts
et que le dogy bag doit être aux écolos
Ce qu'une bonne bouteille est à Jean louis Borloo
Bové attend ses hôtes sur le pas de sa porte
Et rapidement s'ébranle la joyeuse cohorte
Pour se rendre pédibus sur le lieu du festin
Mais que l 'on se rassure l'auberge n'est pas loin
Elle porte le nom de Ferme de la Panse Verte
Le paradis sur terre où bombance est offerte
Le Chef, leur dit José est un vrai militant
A la cuisine bio , il consacre tout son temps
Sans doute surprend il des le premier abord
Mais derrière son faciès se cachent des trésors
Bove n'avait pas tort de prévenir ses amis
Le tenancier des lieux les laisse un peu surpris
Pas tant ses vêtements qu il a récupérés
Dans un vieux sac de chiffes qu'Emaus a jetées
Mais c'est surtout sa barbe qui retient l'attention
Tant de part sa longueur que sa composition
Elle porte en mémoire et de manière certaine
la trace des menus des vingts dernières semaines
Zezette se dit qu'il pue mais elle se ravise
Bove sent il meilleur quand il lui fait la bise
Elle doit, après tout, se débobotiser
C'est elle , à la nature qui devrait s'adapter
Nos convives retiennent un premier émoi
Quand l'aubergiste apporte le premier des plats
Salade de pissenlits , de consoude et chardons
Avec ses dés de courge et de potimarron,
le tout accompagné d'une sauce vinaigrette
à l'huile de pépins, vinaigre de braguette,
De la saveur du met nos convives se régalent
A mille lieues autour on ne trouve rien d'égal
Parlant des pissenlits , l'hôte d'un ton railleur
Dit que c'est sous les bouses qu'on trouve les meilleurs
Zezette une fois de plus éternel trublion
Est celle qui sonnera le glas de la communion
Car voici que surgit de l'assiette de verdure
Vive tant qu'affolée une rose créature
José n'est pas troublé par ce cri hystérique
N'en fais pas un caca , il s'agit d'un lombric
Tu sais qu'un écolo doit économiser l'eau
C'est la une des bases de la gastronomie bio
car si de l'eau du seau il n'a pas pu périr
Avec la vinaigrette, à coup sur il va fuir
Zezette s'est ramassée la règle sur les doigts
jure que de si tôt on ne la reprendra pas
La carafe de pinard a un fond un peu bleu
Mais tout cela s'explique dit le maître des lieux
Nous devons tous subir le changement climatique
Qui désorganise nos pratiques écologiques
Ainsi, pour éviter à nos vignes le malaise
Nous devons les nourrir de bouillie bordelaise
Lorsque tombe la pluie chaque jour que fait Dieu
Nos cultures prennent ainsi cette jolie couleur bleue
Sinistros qui n'a pas l'habitude d'être aimable
Dit alors l'air mauvais Peste soit de la couleur
Quand il faut , je le dis s'accrocher à la table
Pour que ton estomac encaisse cette horreur.
Voici qu'arrive l'heure du plat de résistance
La poularde à la mode de la ferme de la Panse
Notre Thénardier vert pose le plat sous le nez
Des convives au regard aussitôt étonné
Une poularde serait elle différente d'un poulet
Demande Sinistros d'un air un peu inquiet
Huguette qui se souvient vaguement du Jura
Ne pense pas qu'elles aient eu jamais cet aspect là
Le Lucullus des lieux est conscient du malaise
Ils n'accepteront pas d'entendre des foutaises
Foin des tartufferies il vaut mieux tout avouer
L'hiver a été rude et les bêtes affamées
Faute de restos du cœur sont allées se servir
Où elles pouvaient trouver des choses pour se nourrir
Et par l'odeur des poules des renards alléchés
Ont en une seule nuit vidé le poulailler
Mais notre vert Bocuse n'est jamais sans ressources
Sans même devoir ouvrir les cordons de sa bourse
Pour aller au marché acheter quelque volaille
Il a, dans un vieux livre fait quelques bonnes trouvailles
Les gens du Moyen -age qui n'étaient pas plus sots
Que nous savaient comment cuisiner le corbeau
Prenant ni une ni deux dans l'armoire son fusil
Au ciel il envoya quelque noir volatile,
Bové trouve séduisante et même péremptoire
L'idée de ne pas perdre des ancêtres le savoir
Même si piquant la bête, gicle un jus jaunâtre
La vue est supportable au regard de l'odeur
Comme un vieux fond de chiottes au liquide saumâtre
A inscrire sans tarder au Guiness des haut-le cœur
L'estomac de Zezette chatouille ses amygdales
Elle se verrait bien être dans une jungle profonde
Partageant son repas avec des cannibales
Car elle touche vraiment la le fin fond de l'immonde
S'assurant que les autres ne vont rien y voir
Elle verse son assiette au fond de son tuperware
L'épreuve du dessert et puis la délivrance
Elle pourra oublier la Ferme de la Panse
Notre Vatel des champs apporte une faisselle
Fabriquée à la ferme et des plus naturelles
Bové se propose de servir ses compagnons
Et à grand coup de louches distribue les portions
Mais comme il est plutôt coutumier du fauchage
D'Huguette , généreusement, il arrose le corsage
Zezette tire une tête longue comme un boudin
Ça n'a même pas de goût mais c'est mangeable enfin
Au moins ne va-t-elle pas partir le ventre vide
Même si l'accompagnent ces souvenirs morbides
Avalant cette bouillie elle est un peu surprise
D' y trouver un morceau un peu plus consistant
Elle le découvre un peu mais c'est un excrément!
S'exclame -t-elle maintenant tout au bord de la crise
Lucullus alerté vient alors et s'explique
Pas de doute c'est clairement une crotte de bique
Mais que Zezette se calme , il va lui remplacer
Ce bon nectar des Dieux par une chèvre souillé
Zezette franchit la porte et sans se retenir
Sur l'herbe environnante, elle se met à vomir
Elle gerbe ses croissants et son café au lait
Elle gerbe le dîner que hier soir elle a fait
Et même dans la foulée tous ceux de la semaine
Elle gerbe même la bouffe de la semaine prochaine
Un canard passant la de l'aubaine est ravi
Il va faire son repas de tout ce degueulis
Car la Ferme de la Panse tient à son image
la base de sa cuisine , c'est bien le recyclage
Zezette est la assise sur un vieux banc pourri
hagarde et hébétée sinon abasourdie
Bové qui invitait va régler l'addition
120 euros par tête , tarif de chez Fauchon
Oui mais c'est à ce prix qu'on a la qualité
Et à la décroissance il faut bien s'habituer
Ajoute Sinistros qui a un air livide
En regardant Huguette qui se tâte le bide
On retrouve Goupil en gare de Toulouse
Il a l'air guilleret et lui n'a pas le blues
Il porte à son bras un énorme panier
De diverses victuailles tout prêt à déborder
On monte dans le train qui maintenant démarre
Paris est encore loin mais Goupil est hilare
Ces gens la sont sympas, chaque fois que je viens
Il faut que je reparte avec un panier plein
Saucisses et jambons , Foies gras et cous farcis
Vraiment de quoi bouffer du lundi au samedi
Pendant plusieurs semaines, mais j'arrête maintenant
Car vous sortez vous même d'un repas succulent
Et je sais que lorsque nous sommes rassasiés
Entendre parler de bouffe ne peut qu'indisposer
Parlons donc de José notre meilleur copain
Serrant son tuperware dedans ses pauvres mains
Zezette pense aux saucisses , foies gras et cous farcis
Même achetés chez Lidl elle en aurait bien pris
Mais elle va se venger , peut être qu'à l'île Maurice
Elle pourra se gaver de jambons et saucisses